Entretiens avec des directeurs de la photographie

Judith Kaufmann, BVK, revient sur les choix techniques et esthétiques de "Corsage", de Marie Kreutzer
As Tears Go By

Désirant remettre au goût du jour la figure un peu poussiéreuse de l’impératrice d’Autriche, la cinéaste allemande Marie Kreutzer a décidé de proposer sa version, résolument féministe. Enserrée par ce corset qu’on lui lace fermement autour de sa taille de guêpe, la comédienne luxembourgeoise Vicky Krieps prête désormais ses traits à Sissi. Pour mettre en images cette princesse en fuite émotionnelle perpétuelle, la directrice de la photo Judith Kaufmann, BVK, a effectué un travail très subtil, en 35 mm argentique 3P et format 2,39 sphérique. Un film remarqué en cette 75e édition du Festival, section officielle Un Certain Regard. (FR)

Julien Poupard, AFC, évoque son travail sur "L’Innocent", de Louis Garrel

J’avais déjà tourné le film La Croisade avec Louis. Lorsqu’il m’a parlé de L’innocent, Louis m’a tout de suite dit qu’il voulait explorer d’autres chemins visuels, voire presque construire le film à l’opposé du précédent. Très vite, on a parlé du mélange des genres. Le film navigue entre la comédie, le film policier, la comédie romantique, le film d’action. Il fallait jouer avec les codes du genre, jouer avec le cinéma tout court. Nos références allaient de Uncut Gems, des frères Safdie, Vertigo, de Hitchcock, Conversation secrète, de Coppola, La Règle du jeu, de Renoir. Il fallait chercher une photographie romanesque qui pourrait envelopper tous ces genres.

Le directeur de la photographie Luis Arteaga, parle de son travail avec Mathieu Vadepied sur "Tirailleurs"
La guerre en VO

Pour son deuxième long métrage en tant que réalisateur (et après avoir réalisé une partie de la série "En thérapie"), l’ex-directeur de la photographie Mathieu Vadepied a choisi de raconter l’aventure de Sénégalais catapultés sous les drapeaux en 1914. Interprété à l’écran par Omar Sy (qu’il a notamment photographié sur Intouchables) et Alassane Diong, qui incarne son fils, le film se veut comme l’étude de personnages soudain plongés dans un contexte inconnu, plutôt qu’une re-création minutieuse de l’affrontement dans les tranchées de Verdun. Luis Arteaga s’occupe de mettre en image ce film qui se veut tout sauf épique... (FR)

Irina Lubtchansky, AFC, parle de ses choix sur "Frère et sœur", d’Arnaud Desplechin

Les films d’Arnaud Desplechin nous ont souvent plongés au cœur de déchirements familiaux ; avec Frère et sœur le réalisateur réinvente son thème fétiche et propose d’explorer les sentiments qui opposent Alice, Marion Cotillard, à Louis, Melvil Poupaud. Fidèle collaboratrice du cinéaste depuis Trois souvenirs de ma jeunesse, la directrice de la photographie Irina Lubtchansky, AFC, élabore pour ce drame une image à la fois douce et réaliste, contrastée et romanesque… Frère et sœur est en Compétition officielle sur la Croisette pour son 75e Festival. (BB)

La cheffe opératrice Julia Mingo parle de sa collaboration artistique sur "Raie Manta", d’Anton Bialas

Raie Manta, sélectionné à la Semaine de la Critique du 75e Festival de Cannes, est un court métrage qui propose une traversée de Paris à travers le portrait de trois personnages marginaux. Le triptyque est une forme privilégiée du réalisateur, Anton Bialas, qui lui a déjà valu plusieurs sélections en festival, comme la Berlinale avec A l’entrée de la nuit ou encore le FID Marseille avec Derrière nos yeux. Julia Mingo, la cheffe opératrice, nous parle de sa collaboration artistique autour de cet objet filmique sensible, à la croisée de la fiction et du cinéma expérimental. Au Festival de Cannes, Julia Mingo présente également son premier long métrage en tant que cheffe opératrice, Libre Garance !, de Lisa Diaz, dans la sélection Cannes Écrans Juniors, qui s’adresse aux jeunes publics. (MC)

Le chef opérateur Balthazar Lab parle de ses choix visuels sur "La Jauría", d’Andrés Ramírez Pulido

Dans La Jauría, premier long métrage du réalisateur colombien Andrés Ramírez Pulido, on suit le quotidien de jeunes délinquants, captifs dans une jungle luxuriante. Bien que très ancré dans un réalisme presque documentaire, le film se bâtit une identité visuelle unique et significative. A l’occasion de la présentation du film à la Semaine de la Critique, Balthazar Lab, le chef opérateur, nous parle de ses choix visuels, de la préparation à la postproduction du film. (MC)

Guillaume Deffontaines, AFC, revient sur le tournage de "Nos frangins", de Rachid Bouchareb

Rachid Bouchareb a décidé pour son dixième long métrage en tant que réalisateur de plonger le spectateur dans les manifestations étudiantes de décembre 1986. Avec, au centre de Nos frangins, la reconstitutions libre de deux tragédies : les morts des jeunes Malik et Abdel devenus les symboles des bavures policières des années Pasqua - Pandraud. Alternant vraies images d’archives, archives reconstituées et fiction plus classique, le film a été un vrai défi pour retrouver notamment la texture de la vidéo utilisée par les reportages TV de l’époque. Guillaume Deffontaines, AFC, s’explique. (FR)

Paul Guilhaume, AFC, évoque son travail sur "Les Cinq diables", de Léa Mysius
Vicky, Joanne, Julia et les autres

Film fantastique, film choral, et chronique d’un secret familial, Les Cinq diables s’enracine dans les paysages du massif de l’Oisans, dont les montagnes et l’eau glacée hantent régulièrement le film. Paul Guilhaume, AFC, fait de nouveau équipe avec la réalisatrice Léa Mysius pour mettre en image ce film dont la pandémie a chamboulé le tournage. Adèle Exarchopoulos y trouve un très beau rôle de mère aux passions endormies, tandis que la jeune et lumineuse Sally Dramé y interprète sa fille. Le film est présenté à la Quinzaine des Réalisateurs. (FR)

Nicolas Loir, AFC, raconte le tournage de "Novembre", de Cédric Jimenez
Peur sur la ville

Après plusieurs reconstitutions d’affaires policières sur Marseille (La French, Bac Nord), le réalisateur Cédric Jimenez a décidé de s’emparer d’un fait divers planétaire avec la traque du commando terroriste responsable des attaques parisiennes du 13 novembre 2015. Réunissant un casting de stars avec, à sa tête, Jean Dujardin (déjà présent dans La French), cette adaptation des faits, écrite par Olivier Demangel, immerge le spectateur dès les premières minutes du film dans les rouages de la SDAT (Sous direction anti terroriste de la police). Une équipe, dont les méthodes et les objectifs évoquent parfois ceux de la DGSI, popularisée par la série "Le Bureau des Légendes"... Pour mettre en image cette course contre la montre, Nicolas Loir, AFC, a dû mettre en place un dispositif très souple, à deux caméras, voire plus, pour saisir ces moments très intenses où l’histoire du pays s’écrit au fil des minutes qui s’égrènent. (FR)

Julien Poupard, AFC, parle de son travail à l’image sur "Les Amandiers", de Valeria Bruni Tedeschi

Le film se passe dans les années 1980 et raconte l’histoire de Valeria lorsqu’elle était à l’école du Théâtre des Amandiers mais avec des acteurs d’aujourd’hui. Je voulais que l’on ressente ça aussi à l’image. Le souvenir des images est plus important que l’image elle-même. Quand on voit le film, on doit sentir les années 1980 et les années 2020. Car le film est une rencontre entre le passé et le présent.

Le chef opérateur Thomas Favel, AFC, revient sur ses choix pour "Retour à Séoul", de Davy Chou

Le franco-cambodgien Davy Chou réalise son deuxième long métrage Retour à Séoul dans lequel il filme sans pathos mais au plus près une jeune femme qui revient sur les traces de ses origines coréennes. La plasticité de l’image du chef opérateur Thomas Favel, AFC, qui collabore avec Davy Chou depuis ses premiers films, nous embarque dans ce voyage initiatique. Il nous dévoile ici les coulisses de son implication artistique pour Retour à Séoul en sélection dans la section Un Certain Regard de ce 75e Festival de Cannes. (BB)

La cheffe opératrice Marine Atlan parle de son travail sur "Nos cérémonies", de Simon Rieth

Présenté à la Semaine de la Critique au 75e Festival de Cannes, Nos cérémonies est le premier long métrage de Simon Rieth. Loin de la timidité d’une première œuvre pourtant, le film propose une grande richesse de couleurs et de contrastes mais également de thèmes, naviguant avec brio entre le drame familial et le film de genre. Marine Atlan, la cheffe opératrice, nous parle de son travail sur ce projet. (MC)

Yves Cape, AFC, parle de "Plus que jamais", d’Emily Atef

Décrivant un jeune couple confronté à une décision existentielle, Plus que jamais est aussi un voyage vers l’acceptation du choix de l’autre, interprété par le couple Vicky Krieps et Gaspard Ulliel. Yves Cape, AFC, met en image ce film tourné en France, au Luxembourg et en Norvège. Il se confie sur la fabrication de cette histoire, à la fois dure et lumineuse. (FR).

Xénia Maingot, productrice, parle de "Plus que jamais", d’Emily Atef, photographié par Yves Cape, AFC
Plongée en eaux vives

Ayant d’abord travaillé dans le milieu des festivals, Xénia Maingot bifurque à la fin des années 1990 vers la production aux côtés de Michel Reilhac (ex-directeur du Forum des Images). Quand ce dernier est nommé à la direction d’Arte, elle part travailler chez Jackson (maison de postproduction sonore du groupe Teletota-Eclair). Puis elle opère pendant cinq ans dans l’équipe de Marianne Slot (Slotmachine), spécialiste des coproductions avec la Scandinavie.

Ruben Impens, SBC, évoque le tournage des "Huit montagnes", de Charlotte Vandermeersch et Félix Van Groeningen
Du roman à l’écran

Avant d’être écrivain, Paolo Cognetti était étudiant à l’école de cinéma de Milan. Ce n’est sans doute pas si anodin. Veillant "comme un bon ange gardien" selon Ruben Impens, SBC, sur le tournage des Huit montagnes, cet amoureux des sentiers alpins semble avoir trouvé, avec cette première adaptation cinématographique de son roman, un duo de réalisateurs sur la même longueur d’onde que lui. Le résultat est une ode en langue italienne aux sommets, un film sur l’amitié et les chemins imprévisibles de la vie. Luca Marinelli et Allessandro Borghi en sont les deux interprètes principaux. (FR)

Entretien avec Pierre Aïm, AFC, à propos de "Boy from Heaven", de Tarik Saleh

Après Le Caire confidentiel, Tarik Saleh, réalisateur suédois d’origine égyptienne, poursuit son exploration du film de genre. Il glisse vers le drame plus réaliste pour Boy from Heaven mais nous tient toujours en haleine avec, cette fois-ci, une guerre de pouvoir au cœur de l’islam sunnite. Le chef opérateur Pierre Aïm, AFC, qui a déjà collaboré avec Tarik Saleh pour Le Caire confidentiel, propose une image plus retenue, naturaliste qui nous pousse à effacer la frontière entre réalité et fiction. Boy from Heaven est présenté en Compétition officielle au 75e Festival de Cannes. (BB)

Laurent Fénart, AFC, revient sur le tournage du film de Philippe Faucon, "Les Harkis"

Philippe Faucon et Laurent Fénart, AFC, travaillent ensemble depuis une vingtaine d’années. L’un est un réalisateur engagé dans un cinéma ancré dans le réalisme social – Fatima qui a reçu le César 2016 du Meilleur film et le Prix Louis Delluc en 2015, Amin, La Désintégration – l’autre est un directeur de la photo qui partage sa passion entre documentaires et fictions. Nous les croisons ici pour parler de leur dernière collaboration sur Les Harkis, un film qui dénonce la tragique destinée de ces Algériens engagés auprès de l’armée française. Les Harkis est sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs de ce 75e Festival de Cannes. (BB)