Que s’est-il passé à l’assemblée générale de la SRF le 15 juin 2013 ?

Chantal Richard, réalisatrice, SRF et Jean-Jacques Jauffret, réalisateur, SRF

La Lettre AFC n°233

Comme toutes les associations, la SRF, maison de tous les cinéastes, se réunit chaque année pour faire le bilan, débattre de son projet et élire sur celui-ci un nouveau Conseil d’Administration.

Cette fois-ci, unique dans notre souvenir, le bilan n’a fait l’objet d’aucun commentaire. Des actions d’envergure avaient pourtant été menées, telle l’Assemblée des Cinéastes née à la Quinzaine cette année, rêve enfin réalisé d’un organisme vivant qui ferait circuler à travers le monde les paroles, expériences et combats des cinéastes. Non, les rêves et les projets n’étaient pas à l’ordre du jour de cette AG. Seule la question de l’extension de la convention collective a été débattue et a déterminé les votes (votes attendus dans une impatience non dissimulée mais qui du coup ne dissimulait pas non plus l’objectif premier de certains, gagner les élections).

Pourtant tout le monde semble s’accorder, du moins dans les déclarations de principe, et la main (de gauche de préférence) sur le cœur, sur le fait qu’il faille repenser un système à bout de souffle :
- Remettre à plat la répartition des richesses gérée par le CNC
- Revoir les modes de financement qui asphyxient les films
- Poser clairement la question du risque et celle de la financiarisation du cinéma
- Retrouver à l’auteur et au réalisateur une place centrale dans le processus de création des films
- Lutter contre les menaces que la diffusion numérique fait peser sur les films les plus fragiles
- Exiger la transparence des comptes, de l’écriture à la distribution des films
- Donner un cadre conventionnel au travail (et oui, là aussi il semble y avoir accord sur le principe)
Il est vrai néanmoins que de graves différents opposent les cinéastes sur la stratégie à suivre pour qu’existe enfin un cadre conventionnel au travail des techniciens et des réalisateurs.

Mais pour autant cela valait-il le coup de :
- Dénier l’engagement du conseil d’administration sortant en n’ayant aucun débat sur le travail accompli ?
- Faire une liste électorale bloquée, connue avant même que les discussions ne s’engagent et que les autres candidatures soient annoncées ?
- Faire adhérer à la dernière minute, même si les statuts le permettent, de nombreux nouveaux adhérents peu au fait de la vie et des actions de la SRF ?
- Et poursuivre cet esprit de fermeture en cooptant au premier conseil d’administration des réalisateurs qui partagent le même point de vue que l’équipe déjà élue (y compris certains qui avaient été refusés par l’élection) ?

Nous ne le pensons pas. Et de nombreux adhérents, en panachant par leurs votes les différents points de vue, ont eux aussi refusé cette idée étrange : un conseil d’administration souhaitant représenter la diversité, mais dans l’homogénéité de point de vue !
Les méthodes, comme dans le vieux débat sur la forme et le fond, trahissent toujours des visions du monde, même si elles ne s’énoncent pas. Mais il est vrai que ce n’est pas dans l’air du temps de prendre le temps d’y réfléchir. L’entre soi, les corporatismes, l’expression par médias interposés de pensées réductrices, la peur comme argument, le mépris de la vie associative, la prime à la notoriété… sont devenus le lot de notre vie politique, sociale et culturelle.
Nous sommes nombreux à espérer que les cinéastes n’en deviennent pas le miroir. Et continuent à n’avoir comme moteur intime de leurs combats que la défense de la beauté qui s’accommode si mal de la seule rentabilité. Ce qui rend d’autant plus urgent de s’attaquer aux dossiers cités ci-dessus.