Appel de Beaune et développement incontrôlé du secteur du DVD

La Lettre AFC n°127

En effet, si la commercialisation des films en DVD est en forte expansion, au point de devenir un produit d’appel pour la grande distribution et de risquer de marginaliser les autres formes d’exploitation, elle constitue la plus faible source de financement de la création cinématographique française. L’opacité de ce secteur est telle qu’il est aujourd’hui impossible de connaître la vérité de ses recettes, tant à la vente qu’à la location.
La façon dont il se structure conduit à une concentration sur peu de films, ignorant gravement la nécessaire diversité.
Alors que tous les autres secteurs de la filière cinématographique sont soumis à des règles qui ont permis au cinéma français de se développer, le secteur du DVD est le seul à être dramatiquement dérégulé.

C’est pourquoi, les cinéastes réunis à Beaune appellent :

  • A renforcer et mieux organiser la contribution du DVD au compte de soutien.
  • A baisser le taux de TVA sur ce bien culturel.
  • A réfléchir et à prendre des initiatives sur les quatre points suivants :
    - La traçabilité de la fabrication, de la location et de la vente des DVD.
    - La transparence et la régulation de la remontée des recettes producteur et de la rémunération des auteurs.
    - L’égalité de traitement entre les intervenants de la commercialisation, aujourd’hui écrasés par la grande distribution.
    - La préservation de la diversité pour l’offre de films et l’accès au marché.

Ils demandent, pour ce faire, la mise en place urgente :
- D’un système de contrôle de la fabrication et des quantités de DVD pressées, à l’image du disque ou du livre, et l’encouragement de tout ce qui pourra s’opposer au piratage.
- D’un système légal de billetterie, comme cela existe pour l’exploitation cinématographique depuis 1946. Ce système permettra de moraliser et de contrôler la location, aujourd’hui opaque, et d’organiser un plein exercice du droit de location prévu par la directive européenne. Il aboutira à une rémunération de la location à l’acte et non pas au forfait comme cela se pratique aujourd’hui.
- De règles légales de partage des recettes, comme cela existe pour l’exploitation cinématographique depuis 1948, en confortant ces règles par une gestion collective et en créant un couloir incompressible de rémunération des Auteurs.
- Du prix unique du DVD, comme cela se pratique pour les livres.
- D’un engagement de diversité signé par les distributeurs, comme cela est imposé aux chaînes de télévision à péage.
- D’un outil de diversité de la diffusion, organisé par l’ensemble des acteurs de la production, de l’édition et de la distribution, utilisant les tissus des salles de cinéma et Internet.
- D’introduire dans les contrats des réalisateurs des clauses concernant la réalisation des bonus et le contrôle de la qualité des DVD de leurs œuvres, permettant ainsi un réel exercice du droit moral.

Faute d’aboutir rapidement à des solutions, les cinéastes envisageront de reconsidérer les règles de la chronologie des médias pour ne pas désavantager les secteurs qui contribuent largement à financer et à rémunérer la création cinématographique au profit d’un secteur florissant qui ignorerait durablement ses obligations vis-à-vis d’une production qui le fait vivre.

Fait à Beaune le 26 octobre 2003