Bon anniversaire Raoul !

Par Richard Andry, AFC

par Richard Andry La Lettre AFC n°248

Cela faisait longtemps que je m’étais promis de rendre une petite visite à Raoul Coutard dans sa maison de Boucau, près de Bayonne. Ce, d’autant plus que 2014 est l’année de ses 90 ans. J’ai profité d’un voyage à Bordeaux pour pousser un peu plus vers le Sud-Ouest et pour aller passer l’après-midi avec lui et Monique, son épouse.

J’ai été son cadreur sur un film, il y a une bonne vingtaine d’années et je l’ai remplacé récemment pour en étalonner le Master numérique, et, si je lui téléphone de temps à autre, il y avait belle lurette que je ne l’avais vu.
Je me souviens, quand on m’a annoncé que j’allais travaillé avec lui : l’opérateur mythique de Godard et de Truffaut, d’A bout de souffle, de Jules et Jim et de nombreux autres films considérés comme des chefs-d’œuvre du cinéma, une des " idoles " de mes années d’études à l’IDHEC : " l’Opérateur de la Nouvelle Vague ". J’étais impressionné et même avais un peu " les jetons " d’autant plus que je savais, par expérience personnelle, que, déjà, avec un de nos monstres sacrés, comme acteur principal et producteur du film, la vie ne serait pas facile pour un cadreur. Mais j’ai découvert un homme généreux, humble, solidaire, plein d’humour et même plutôt marrant car l’ambiance sur ce film était, elle, plutôt tendue.

Je me souviens, il y a quelques années, qu’au soir d’une Conférence internationale à Budapest, j’avais confié à des collègues japonais que j’avais eu Nestor Almendros comme " prof " à l’IDHEC, ce qui les avaient réellement fait trépigner de joie… et que j’avais cadré avec Coutard, et là, ça avait déclencher le délire. Les deux étant littéralement adulés, on avait bien longuement fêté cela.
Grâce à la rétrospective Truffaut, nous avons pu revoir récemment sur Arte Tirez sur le pianiste, ce qui m’a permis de discuter " d’image et de la qualité des noirs " avec des collègues et amis de l’AFC plutôt que des habituels " workflow " du numérique. (Au passage, message personnel : Michel, l’ombre sur l’imper quand ils marchent la nuit, c’est celle d’un Camé 300 !)

Passer tout un après-midi avec lui est un régal, d’autant plus que c’est un excellent cuisinier. Avec un peu de Vietnam au menu. Nous avons replongé dans ses souvenirs de tournage, ceux qu’il développe dans son bouquin, L’impériale de Van Su : Comment je suis entré dans le cinéma en dégustant une soupe chinoise, que je conseille à tous de lire.
Il a participé à l’invention d’un nouveau cinéma, dont nous sommes tous les héritiers, et je me souviens qu’Haskell Wexler, ASC, (de deux ans son ainé) m’avait confié, lors d’une Master Class, avoir été inspiré par son travail avec Godard. De même que Dick Pope, BSC, qui a déclaré, lors de la remise du Prix Vulcain 2014 dont il est le lauréat pour son travail sur Mr. Turner, de Mike Leigh, toute son admiration et affirmé tout ce que notre métier lui devait.

Raoul va bien, certes il a 90 ans mais le verbe est précis, l’œil est toujours vif et la passion intacte. Après m’avoir montré quelques-uns de ses trésors, il m’a reconduit en voiture à la gare. Et ces quelques heures passées avec lui, que je considère comme un Maître, ont été pour moi, une vrai cure de jouvence.
Ce qui me fait venir à l’excellent film réalisé par Matthieu Serveau : De Saigon à Hollywood, qui retrace sa carrière. Il serait peut-être bien d’en organiser prochainement une projection.
Je profite donc de la dernière Lettre de l’année 2014 pour lui renouveler un : « Bon anniversaire Raoul ! »