Ce jour est présent comme si c’était hier

Par Dominique Gentil, AFC
Ce jour de mars 1974, j’étais allé rejoindre mes amis canadiens du groupe de rock Offenbach dans une grande maison à Malesherbes. Ils venaient d’arriver en France pour tourner sous la direction de Claude Faraldo le film Tabarnac.

Toute la nuit, dans le studio de répétition installé dans la maison, saouls de musique, Armand Marco et Ned Burgesse, qui tenait une deuxième caméra, n’avaient cessé de filmer, caméra Éclair 16 à l’épaule. Au matin, je retrouve Ned, installé à la grande table de la pièce commune, les mains dans le changing bag : 20 magasins de caméra attendent leur tour de chargement.
Impressionné par l’ampleur de la tâche, je propose mon aide. Armand me dit : « Mais tu sais charger…, alors on a besoin de toi, tu restes avec nous. » Et me voilà parti pour une longue aventure de cinq mois de tournage fou comme il était possible d’en vivre dans les années 1970.

De cette confiance, de cette porte ouverte au monde du cinéma, Armand, je te dois beaucoup, je te dois mon premier long métrage en tant qu’assistant. Dans cette époque très désorganisée, où tout se vivait avec une énergie très spontanée, où tout semblait possible, tu tenais la barre pour que le navire garde son cap. Tu étais un homme du métier. Tu avais une rigueur et une éthique sans faille. Tu étais très politique, sans concessions.
Au cours de ces mois de tournage, filmant le quotidien, les répétitions et les concerts. Tu maîtrisais ton regard, avec toute l’acuité nécessaire au documentaire et toute la créativité indispensable à l’image de fiction. Ce film, Tabarnac, tourné en Super 16, fut gonflé en 70 mm.

J’étais un jeune chien fou innocent de 21 ans. J’avais une envie de cinéma sans savoir ce que c’était réellement. Tu m’as transmis beaucoup de clés pour comprendre le fonctionnement du métier. Tu as été mon tuteur tolérant et généreux. Tu m’as mis sur les rails où j’ai trouvé bonheur et confiance en moi. Je te l’avais un peu dit. Je te le redis plus encore aujourd’hui.

Aujourd’hui où je perds un de mes pères de cinéma. Je suis très triste de ne pas être avec ta famille et mes collèges de l’AFC qui t’accompagne en ce triste jeudi.
Que ta fille et ceux de ta famille sachent combien tu as pu être déterminant pour nos vies.