Choisir son camp

Olivier Ducastel et Jacques Martineau, réalisateurs

La Lettre AFC n°233

Le cinéma français nous semble soudain bien déchiré. Nous ne nous reconnaissons ni dans les querelles entre réalisateurs, ni dans les bagarres à couteaux tirés entre techniciens et réalisateurs. Et nous n’avons guère envie d’envenimer encore le débat.
Malgré tout, dans ce qui ressemble maintenant à une guerre, il faut choisir son camp.
En effet, s’il est vrai que, dans un premier temps, les enjeux de la convention collective ne nous ont pas semblé très clairs et que nous avions préféré nous abstenir de prendre position, cette indécision ne nous paraît maintenant plus tenable.
D’un côté donc, les tenants de la convention collective, pour la plupart des techniciens, mais aussi des réalisateurs qui, pour certains, ont participé pendant de nombreuses années aux négociations et à la rédaction de cette convention.
De l’autre, les opposants, majoritairement des réalisateurs et des producteurs. Ce second camp, où se retrouvent bien des gens que nous estimons, devrait nous être le plus naturel car il cherche de bonne foi à défendre le cinéma que nous aimons qui est aussi celui que nous faisons.
Et, à y regarder de plus près, on peut se dire qu’entre les deux camps, une fois mises de côté les invectives, la fracture tient sans doute plus à une différence de tactique politique, qu’à une divergence d’objectif.
Nous pourrions donc nous en tenir à une prudente neutralité.
Cependant, devant les événements de ces derniers jours, nous préférons clairement affirmer notre soutien à la convention collective nationale des productions cinématographiques. C’est notre façon de dire notre sincère attachement aux techniciens sans lesquels certains de nos films ne se seraient pas tournés.
Bien sûr, nous entendons les opposants nous dire que, si cette convention avait existé à l’époque, nous n’aurions pas pu faire ces films. Nous préférons penser, avec un optimisme revendiqué, que nous les aurions faits dans des conditions moins précaires et que la convention pourra être à l’avenir une arme efficace pour lutter contre la pression exercée sur les salaires, ceux des techniciens comme les nôtres, et obtenir un financement plus équitablement réparti du cinéma français, en particulier pour les jeunes réalisateurs qui méritent bien qu’on leur offre les moyens de réussir leur premier film.
Sans doute certains parviennent-ils à accepter les conditions de travail dégradées de leurs équipes de tournage sans états d’âme particuliers, pensant que l’art mérite bien quelques sacrifices. Pour notre part, nous nous souvenons que nous n’avons jamais pris de gaîté de cœur la décision de poursuivre la production d’un film quand il nous a fallu rogner sur les salaires et qu’il nous est arrivé de nous demander sincèrement si nous ne devrions pas jeter l’éponge. Ce sont toujours nos collaborateurs techniciens qui nous ont convaincus du contraire. La convention n’affectera en rien nos rapports de confiance et d’amitié.