Compagnons nous avons été...

Par Christian Garnier, directeur de la photographie

La Lettre AFC n°263

Plus qu’un simple salut à celui avec lequel, en 1961, je partageais mon banc d’école à Vaugirard, plus que la réalisation du rêve, celui d’approcher le mythe qu’était pour nous le cinéma, je voudrais évoquer le Compagnonnage.

Parce que c’est, à mon avis, le meilleur mot par lequel on peut définir l’esprit des chantiers sur lesquels nous nous sommes retrouvés au long de toutes ces années. Mais ce sont aussi et surtout les liens qui se sont tissés, au-delà du travail, ce synonyme de torture. Bien au contraire, ce métier a été pour nous, comme pour beaucoup, la chose désirable, tenant presque toujours ses promesses. Avec cette épreuve initiatique de l’image latente et de sa révélation. Epreuve, c’est le mot, dans ses deux sens d’image et d’obstacle à franchir.
Alors, chacun dans sa fonction ou son rôle engage l’autre mais dépend aussi de lui. Il y a partage et interdépendance. Cela conduit à la synergie, à l’harmonie, et à l’émotion artistique.

Nous étions heureux d’avoir du boulot, heureux de nous retrouver pour cet effort commun non pas dans l’adversité mais dans la création-construction qui définit la Fraternité, cette chose assez rare.
C’est donc bien là ce qu’il faut appeler le Compagnonnage, à l’instar de celui qui voyageait la France et l’Europe, bâtissant les œuvres d’architecture.

Que ce soit à droite ou à gauche, à travers les éloignements ou les retrouvailles, comme nos tournages en Amérique centrale ou du sud, ou les complicités de notre trio avec Alain Levent dans les films de Jacques Brel que nous avons eu la chance de vivre, je dis bien vivre, quelle richesse relationnelle ! Et je dis cela sans oublier nos familles, retrouvées chaque fois avec le bonheur du marin et un peu de culpabilité aussi. Je pense très fort à Cécilia en écrivant cela.

Compagnons nous avons été, du nom de ceux partagent le pain. Quel beau vocable !
Salut Armand…