Convention collective : Le Conseil d’Etat suspend en partie l’extension

Par Sarah Drouhaud

La Lettre AFC n°234

Le film français, 6 septembre 2013
Le Conseil d’Etat vient de rendre sa décision en référé sur la demande des producteurs indépendants de suspendre l’exécution de l’arrêté d’extension au 1er octobre de la Convention collective de la production cinématographique du 19 janvier 2012.

Le Conseil d’État entend les arguments des producteurs indépendants
Le juge des référés a tranché et a rendu, après l’audience qui s’est tenue le 30 août dernier une décision médiane : il suspend l’exécution de l’arrêté d’extension, datant du 1er juillet, de la convention collective uniquement pour les films entrant dans le mécanisme dérogatoire (soit les films de moins de 2,5 M€) tant que le dispositif prévu pour ce mécanisme n’est pas mis en place et, jusqu’à la décision du Conseil d’État sur la requête en annulation sur le fond, si cette décision intervient avant la mise en place du dispositif dérogatoire.
Sachant que la décision sur la requête en annulation formée par les producteurs non signataires du texte de 2012 (APC, SPI, UPF notamment), rejoints depuis par la CFDT, ne sera rendue que dans plusieurs mois, d’ici l’été 2014 au grand maximum. Ce qui signifie a contrario que les films au budget supérieur à 2,5 M€ doivent impérativement appliquer la Convention au 1er octobre.

Rappelons que pour suspendre une décision, le temps que l’affaire soit jugée sur le fond, le juge des référés examine si deux conditions sont remplies : « Il faut, d’une part, que l’urgence le justifie, et, d’autre part, qu’il soit fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision », résume le Conseil d’État. En l’espèce, le juge des référés a estimé, sur le deuxième point, « qu’il existait un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté contesté tenant à la condition de représentativité exigée pour l’extension d’une convention collective. Il a relevé que la convention en litige n’avait été signée que par une seule organisation d’employeurs (l’API, ndlr), regroupant quatre sociétés de production qui n’ont assuré la production que d’environ 1 % du total des films d’initiative française et ne représentent ainsi que 5 % environ des salariés dans le secteur de la production de films ».
Ce point avait largement été débattu lors de l’audience du 30 août.

Sur le premier point – le caractère d’urgence –, la Haute Cour a estimé « que la condition d’urgence était remplie, compte tenu de l’impact financier de la convention collective sur la production des films, pour les films dont le budget global est très réduit et dépend étroitement de la masse salariale. Il a notamment relevé que la convention collective a elle-même prévu, pour les films dont le budget global est inférieur à 2,5 M€ ou à 1,5 M€ pour les courts métrages et les films documentaires, un mécanisme dérogatoire. Mais il a constaté que la mise en place effective de ce dispositif dérogatoire, qui prévoit notamment qu’une commission paritaire devra examiner les demandes tendant à bénéficier de la dérogation, n’est pas assurée à la date du 1er octobre 2013 ».

(Lire l’ordonnance du Conseil d’état du 6 septembre 2013)

Après la décision en référé du Conseil d’État
Avec cette décision en demi-teinte, le Conseil d’État relance la partie entre défenseurs et opposants à la convention collective du 19 janvier 2012. Car maintenant il s’agit de savoir quand sera mise en place la commission de dérogation, et si elle sera mise en place. Si la convention prévoit ce mécanisme, rappelons qu’elle ne prévoit pas ses modalités d’application. C’était notamment l’objet de la réunion du 4 septembre entre syndicats de producteurs et de salariés, au cours de laquelle la CGT a formulé des propositions aux producteurs indépendants afin que la Commission puisse fonctionner dès le 18 septembre, jour de la première réunion de la Commission d’agrément suivant le 16 septembre. Le 16 septembre étant le jour de la Commission mixte paritaire où syndicats de salariés et de producteurs ont rendez-vous.

D’après plusieurs observateurs, il faudrait la signature d’un seul syndicat d’employeurs avec les salariés pour que la commission soit entérinée. Mais, étant donné le contexte et notamment le doute que soulève le juge des référés dans sa décision sur la légalité de l’arrêté d’extension, on peut s’interroger sur le risque de mettre en place dès aujourd’hui cette commission. Par ailleurs, reste la question des films du " milieu " – entre environ 2,5 M€ et 4 M€ – qui étaient au cœur des négociations entre salariés et producteurs. Ces derniers voulaient obtenir la réévaluation du seuil permettant l’accès au régime dérogatoire. La CGT s’étant montrée prête fin juillet à le relever autour de 3 M€.

(Sarah Drouhaud, Le film français, 6 septembre 2013)