De la Convention collective

Michel Ferry, réalisateur, ARP

La Lettre AFC n°233

Il me semble qu’il faut d’abord remettre les choses en perspective : il est normal et indispensable que la profession soit dotée d’une convention collective, comme tous les autres métiers. Mais elle doit prendre en compte la diversité des pratiques.

Des années 1950 jusqu’aux années 1990, la convention collective s’appliquait, les minima syndicaux étant des minima. Un premier film à un poste était payé au minimum, le second ou troisième à 10 % au-dessus et ainsi de suite jusqu’à 30 % dans certains cas. Vers le milieu des années 1990, avec, entre autres, l’arrivée du numérique et la possibilité de faire des films sans l’assise d’un minimum financement, les conditions se sont dégradées et sur les dernières années le minimum syndical est devenu le maximum syndical pour beaucoup et le SMIC une pratique, sinon courante, de moins en moins rare. Bref, l’exception est devenue la règle. Pas étonnant, dès lors, que la situation se soit tendue.
Et l’une des questions (pas le problème) que pose la convention collective est celle du financement de certains films : ce n’est pas tant combien on paye les gens qui est un problème, mais de combien d’argent on dispose pour le faire.
De même qu’il n’est pas normal que les salaires soient la variable d’ajustement, il est indispensable de préserver le dynamisme et la diversité de création du cinéma français. Malheureusement, des abus ont eu lieu et les plus vertueux ont le sentiment maintenant de faire les frais de la dérive de certains.

Dans ce contexte, nous avons tous une responsabilité, producteurs, réalisateurs, acteurs et techniciens ; les producteurs et les réalisateurs, en ce sens où nous ne pouvons pas essayer de faire le même film avec la moitié des moyens de ceux qui ont d’abord été envisagés pour faire le film. Bref, c’est aussi aux réalisateurs d’envisager, en harmonie avec leurs projets, les ajustements à faire aux films pour que, encore une fois, les techniciens et ouvriers ne soient pas les variables d’ajustement de l’absence des financements attendus. Mais les productions surfinancées ont aussi leur responsabilité en ponctionnant, voire monopolisant, l’argent des obligations des divers financiers pour n’en laisser que trop peu pour les autres films.
En l’état, la Convention collective, telle que se présente est une première étape qui ne sera constructive que si, d’une part les demandes sur les dérogations sont entendues et prises en compte et quelques passages clarifiés, comme nous sommes nombreux à le demander et, d’autre part si la question du financement des films de la diversité est prise en compte. Sur la question de la dérogation, il me semble que celle-ci doit s’appuyer sur les financements des films plutôt que leurs budgets. Enfin, la notion de numerus clausus reste pour nous, cinéastes, une hérésie qu’il semble aussi possible de corriger à travers ces derniers points évoqués.

Mais ne perdons pas de vue, encore une fois, que l’essentiel du problème réside dans le financement des films et profitons de cette occasion pour y remédier.