Dérives à la caisse des congés des intermittents

Par Cécile Crouzel

La Lettre AFC n°227

Le Figaro, 12 décembre 2012
Décidément, le statut des intermittent du spectacle se prête à toutes les dérives… On connaît le coût faramineux de leur régime d’indemnisation du chômage. Dans un prérapport qui ne comporte pas la réponse des intéressés et qui a été révélé par l’agence News Tank Culture, la Cour des comptes dénonce les dysfonctionnements de la Caisse des congés spectacles. Des dysfonctionnements qui, pour le coup, pénalisent les 190 000 intermittents concernés.

D’habitude, en France, les entreprises versent directement à leurs salariés leurs indemnités de congés payés. Mais les intermittents changeant souvent d’employeurs, il a été décidé, en 1939, de passer par une caisse qui collecte les cotisations des entreprises du spectacle et reverse aux intermittents leurs indemnités de congés payés.
En 2008, la Cour avait déjà épinglé la Caisse des congés spectacles. Quatre ans après, elle constate que les progrès sont maigres. Seule avancée : le paiement des indemnités est un peu plus rapide. Néanmoins, en juin 2011, 242 779 intermittents n’avaient pas perçu, au bout de deux ans, leurs droits. Surtout, le pourcentage des indemnités qui ne sont jamais versées aux ayants droit (le délai est clos après cinq ans) est toujours aussi élevé.
Il s’établissait à 6,49 % en mars 2012, contre 8,4 % six ans plus tôt. Et ce, alors que l’objectif est de 3 %. " Grâce " à ces non-paiements, la caisse a accumulé de 2006 à 2012 un pactole indu de 102 millions d’euros. Mais malgré cela, elle a été déficitaire de 2007 à 2010 ! Pour redresser la situation, la cotisation des employeurs a pourtant été régulièrement relevée (15,2 % en avril 2012, contre 14,25 % en 2008).

Supprimer la caisse
La gestion de la caisse est, il est vrai, désastreuse. Les frais de personnels y ont augmenté de 11,4 % de 2007 à 2011, alors que les effectifs baissaient de 12,8 %. « La dépense moyenne par agent, qui s’établit à 68 977 euros en 2011, a donc augmenté de 27,7 % sur la période, soit une hausse moyenne de 6,3 % par an », a calculé la Cour. Rares sont les Français qui ont bénéficié de telles progressions de salaires !
Le cas du directeur général est emblématique. Dans son ancienne fonction, il était payé 4 875 euros par mois. À sa nomination, son salaire brut mensuel de base a été fixé à 9 990 euros. C’était déjà 12 % de plus que son prédécesseur. Puis les augmentations ont continué, si bien que son salaire a atteint 14 875 euros en avril 2012 ! Ce directeur général a également omis de déclarer en avantages en nature sa voiture de fonction…
À ces dérives s’ajoutent le dérapage d’investissements informatiques, et plus incroyable encore, le fait que la caisse ne paye pas, en totale infraction selon la Cour, certaines charges sociales ou fiscales (comme le versement transport).

En conclusion, la Cour recommande de supprimer le régime de congés payés des intermittents, et donc la caisse. Le ministère de la Culture a un avis différent : « Il faut conserver ce régime, mais en confier la gestion à un autre organisme. » Problème : le précédent gouvernement avait décidé, en 2009, le transfert de la gestion à l’organisme de protection sociale Audiens. Mais la caisse avait bloqué le processus. Cette fois, l’exécutif espère s’imposer…

Cécile Crouzel, Le Figaro, 12 décembre 2012