Digital Cinema Conference

par Matthieu Poirot-Delpech

La plupart des fabricants de matériel étaient là. Plutôt que " fabricant ", peut-être devrions-nous à partir de maintenant préférer le terme " équipementier " comme dans l’automobile puisqu’il est clair qu’aucune de ces sociétés n’est à 100 % responsable des composants du matériel qu’il propose...
Parmi les nombreux conférenciers, Keefe Boerner qui fut en charge de la production des effets spéciaux de Sin City nous explique les étapes de fabrication de ce film qui fera date dans l’histoire des effets spéciaux au même titre que Tron en 1982 ou 2001 : l’Odyssée de l’Espace en 1968. Projection du film en 4K : le résultat est très spectaculaire. Sin City a été distribué dans le monde entier à partir d’internégatifs issus directement d’un " shoot ", donc sans générations intermédiaires. Ça fait rêver !

Peter Doyle
Peter Doyle

Peter Doyle, lui, a supervisé l’étalonnage de quelques blockbusters comme Harry Potter et King Kong. Il retrace les aléas liés à la filière numérique et nous parle du besoin de réinsuffler des défauts artificiels dans une image finalement trop " propre ".

J’ai pas mal pensé à mon oncle André. Cela devait se passer aux alentours des années 1970, en pleine époque pompidolienne. Mon oncle venait d’acheter une " chaîne haute-fidélité ", ce qui se faisait de mieux en la matière. Je passais souvent mes week-ends avec mes cousins. Lorsque " l’engin " est arrivé, nous avons passé plusieurs heures à contempler les lumières vertes et rouges qui en égayaient la façade. Il y avait une multitude de boutons. Nous regardions de loin.
L’oncle André ne possédait pas encore de discothèque. Il était passé directement du 78 tours au " nec plus ultra ". Comme il était alors impossible de trouver un 33 tours le dimanche, il nous fallut attendre la semaine suivante pour assister à une démonstration.
Le dimanche suivant, il a acheté un disque qui, selon le vendeur, lui permettrait de comprendre le meilleur parti qu’il pouvait tirer de sa récente acquisition. Nous pûmes enfin poser une galette de vinyle sur la platine du tourne-disque et nous asseoir à l’endroit précis indiqué sur le schéma et déterminé par l’implantation des haut-parleurs.
Un bruit se fit entendre. Puis d’autres bruits. Certains étaient si aigus qu’ils nous obligeaient à nous boucher les oreilles. Ces bruits semblaient se déplacer de gauche à droite puis de droite à gauche dans le salon. Parfois ils se croisaient. Nous suivions leur parcours dans l’air comme des spectateurs de Roland-Garros. Nous sortîmes ébahis de l’expérience. Un de mes cousins a même attrapé la varicelle deux jours après. Le médecin a dit qu’il n’y avait sans doute aucun rapport.
Les semaines qui suivirent, l’oncle André rapporta d’autres disques : des bruitages (peur et épouvante), des chants de baleines, des bruits d’eau (dans des grottes et au bord de la mer)...
Il acheta ensuite un disque des Percussions de Strasbourg. Nous étions fascinés par la couverture métallisée aux reflets découpés en motifs géométriques. L’époque Vasarely battait son plein. Un autre de mes cousins contracta lui aussi la varicelle dans les jours qui suivirent. Le médecin commençait à avoir des soupçons.
Aucun disque n’était plus assez " bon " à son goût. Django Reinhardt était en mono. Glenn Gould " grattait "... La " stéréo " était née.

Lasse Svanberg du Swedish Film Institute retrace l’histoire du cinéma numérique avec beaucoup d’humour et conclut son intervention par cette citation de Darwin sur laquelle ceux qui redoutent les bouleversements futurs feraient peut-être bien de méditer : « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. »