Disparition du cinéaste Patrick Grandperret

La Lettre AFC n°296

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Peu connu d’un large public, le cinéaste Patrick Grandperret, qui s’est éteint à Saint-Maur-des-Fossé samedi 9 mars 2019 à l’âge de 72 ans, a séduit, par ses réalisations éprises de liberté, de poésie et de tendresse, une génération de cinéphiles que ses audaces ont parfois pu surprendre. Portée par la fluidité de style de sa caméra et l’énergie de ses interprètes, son œuvre, bien que rare mais reconnue par ses pairs, aura traversé le cinéma et la télévision pendant presque quatre décennies.

Né le 24 octobre 1946 à Saint-Maur-des-Fossés, d’un père ingénieur en optique (qui aurait mis au point un verre incassable pour une marque de lunettes), Patrick Grandperret, après des études le destinant dans un premier temps à l’économie et au commerce, décide de changer de cap pour la photographie de plateau, participant aux tournages de Bel ordure, de Jean Marbeuf, en 1973, et La Fille du garde-barrière, de Jérôme Savary, en 1975.

Patrick Grandperret, en 2008 - Photo Bernard Fau
Patrick Grandperret, en 2008
Photo Bernard Fau

Ayant ainsi mordu à l’hameçon du cinéma, il réalise et produit des courts métrages et devient l’assistant réalisateur de Nadine Trintignant (Le Voyage de noces, en 1975), Claude Goretta (La Dentellière, en 1977), Maurice Pialat (Passe ton bac d’abord, en 1978, et Loulou, en 1979), Jean-Louis Trintignant (Le Maître-nageur, en 1979) et Claude Faraldo (Deux lions au soleil, en 1980).
Après des documentaires réalisés pour Pathé Cinéma et l’INA, Patrick Grandperret met en scène son premier long métrage, Court circuits, en 1981, où, par le truchement de la fiction, il aborde sa passion pour les courses de motos. Suivront Mona et moi, en 1989, qui reçoit le Prix jean Vigo l’année suivante, puis trois films ayant pour cadre l’Afrique (L’Enfant lion, en 1992 - un succès public -, Le Maître des éléphants, en 1995, et Les Victimes, en 1996).

Ces deux derniers films n’ayant pas rencontré le public escompté, il passera les dix années suivantes, de 1997 à 2015, à tourner des fictions pour la télévision - séries et unitaires - et ne reviendra au cinéma qu’en 2006 avec Meurtrières, d’après un scénario que Maurice Pialat n’avait jamais porté à l’écran. Dix années encore suivront avant qu’il ne réalise Fui banquero, avec sa fille Emilie.
Dans un article du Monde daté du 16 mars 2019 consacré à Patrick Grandperret, Jacques Mandelbaum, évoquant ce dernier film, parle d’un « chant d’adieu personnel et fable cubaine partagée qui voit un jeune banquier français (Robinson Stévenin) renoncer à sa vocation pour se lancer à la rencontre de lui-même. Le film touche par sa fidélité à l’univers du cinéaste : partir le plus loin possible pour espérer se trouver. Aujourd’hui, c’est gagné. »

Entre autres amis, il avait produit respectivement les films de Claude Faraldo et Claire Denis Deux lions au soleil et Beau travail. Membre de L’ARP depuis 1990, il avait fait l’objet, en 2016, d’une rétrospective à la Cinémathèque française.

Sur le site Internet de la SACD, Jean Marboeuf rend hommage au cinéaste disparu.
« Patrick Grandperret, c’était un regard vif (il avait débuté comme photographe sur mon premier film). C’était un rire sonore, communicatif, plein d’espoir, c’était un cinéaste inscrit dans son époque de rêves et de poésie. Il fréquentait ses semblables : le libertaire Faraldo, le romantique Stévenin. Il aimait, comme Jean Vigo (dont il avait eu le prix), la vie, la liberté, le bonheur. Et puis c’était la fuite, à moto, pour voir ailleurs. Il avait l’instabilité, l’inconstante élégance d’un créateur. Il était un "destroy" positif. Il avait repris un scénario inachevé du grand Pialat dont il était l’un des enfants.
J’espère que maintenant tu pourras continuer ta quête, où que tu sois, d’absolu. »

Cité par le quotidien Libération, il parlait de son travail en ces termes : « Sur un plateau, je suis une sorte de ouistiti agité : je cadre, je tiens la caméra, je dirige les acteurs… J’aime la technique, bricoler… »