Editorial de la Lettre d’octobre 2018

"50/50", par Gilles Porte, président de l’AFC

par Gilles Porte La Lettre AFC n°290

Jeudi 20 septembre, au terme des "Assises de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cinéma", il a été décidé qu’à partir de 2019, les films dont les équipes seront exemplaires en matière de parité auront droit à 15 % d’aide supplémentaire sur le soutien du CNC mobilisé pour la production*.

Que chacun de nous, au sein de l’AFC, se réjouisse de cette incitation financière et cesse de brandir la problématique du "quota" dès lors qu’il est appliqué à une sphère créative. Un an après l’affaire Weinstein, acceptons l’idée que si la question du pouvoir ne doit pas se résoudre dans la violence, celle de la violence peut, en revanche, se régler par un plus juste partage du pouvoir.

Que cet édito d’automne aligne quelques chiffres :
Aujourd’hui, en France – premier producteur de films en Europe –, trois films sur quatre sont réalisés par des hommes et moins d’un film sur six serait éligible au nouveau bonus établi par le CNC.
Côté budget, les productions des hommes sont environ deux fois plus importantes que celles des femmes**.
Dans une étude réalisée auprès de 887 scénaristes, 27 % représentent des femmes. Plus le budget augmente, plus la part des femmes diminue. 20 % de femmes écrivent des films à petit budget (moins de 1 million d’euros) contre 7 % pour des films de plus de 15 millions d’euros.
Depuis que la Cinémathèque existe, aucune exposition n’a été consacrée à une cinéaste.
En soixante-et-onze ans de Festival de Cannes, une seule demi-Palme d’or a été décernée à Jane Campion en 1993, partagée avec Chen Kaige.
Après quarante-huit cérémonies des César, une seule réalisatrice a remporté le César du meilleur réalisateur, et trois, le César du meilleur film.

« L’égalité, ça se compte. La justice, ça s’applique ! »

Que les mots de Jacques Audiard, en compétition lors de la dernière Mostra de Venise au milieu de vingt-et-un films – dont un seul seulement était réalisé par une femme –, résonnent en ouverture de cette Lettre !
Et puisque ces mots sont ceux d’une association de directeurs et directrices de la photographie, commençons par regarder ce qui se passe devant notre porte :
A La Fémis, au département Image, au cours des sept dernières années (six étudiants par an), vingt-trois filles ont intégré l’école avec dix-neuf garçons.
A l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière, spécialité image, au cours des sept dernières années, quarante-trois filles intègrent l’école avec cent dix-sept garçons, soit 27 % sur toute cette période.
Et à l’AFC, il y a à ce jour quatorze femmes sur cent trente-neuf membres.
Et puisque Frédérique Bredin, présidente du CNC, déclare à l’issue de ces Assises sur la parité que « le rôle du cinéma est de susciter une prise de conscience et doit faire évoluer les mentalités », comment ne pas avoir une pensée pour ces actrices noires et métisses qui dénoncent les discriminations et stéréotypes dont elles sont victimes au sein de notre industrie où « l’imaginaire des productions françaises est encore empreint de clichés hérités d’un autre temps ».***
Et si l’on s’attaquait à la diversité maintenant !

* Un barème de huit points sera mis en place pour rendre compte de la présence de femmes aux postes clés (réalisation, direction de production, direction de la photo…).

** 5,36 millions d’euros pour les films de réalisateurs, 2,84 millions pour les réalisatrices en moyenne

*** « Noire n’est pas mon métier. » (Aïssa Maïga)