Editorial de la Lettre de juin 2019

Par Gilles Porte, président de l’AFC
Il y a un an, jour pour jour, je déplorais, lors d’un édito adressé à Pierre Lescure et Thierry Frémeaux, l’absence de techniciens au Festival de Cannes [1]. Cependant, alors que la 72e édition vient de fermer ses portes, saluons l’initiative de deux autres festivals, en France, qui viennent d’enrichir leur programmation d’une présence qui honore l’association que je représente.

Lors du 48e Festival de la Rochelle, qui se déroulera du 28 juin au 7 juillet, une Leçon de lumière [2] sera proposée aux festivaliers par Caroline Champetier, AFC, tandis qu’en marge des 50es Rencontres d’Arles, entre le 22 et le 26 juillet, le Festival Cinégraphies – organisé par l’Association Cinégraphies et les Cinémas Le Méjean–, accordera lui aussi une place aux images en mouvement avec une Master Class de Pierre-William Glenn, AFC, et des tables rondes autour de directeurs de la photographie et de scénaristes.
Que les monteurs, les chefs opérateurs du son, les décorateurs, les scénaristes, les compositeurs ne cessent d’être invités en marge de projections, afin que le public découvre ce qui se cache derrière une image ou un son…
Et puisque ces éditos m’y autorisent, je souhaiterais adresser les quelques signes qu’il me reste à un autre président… Des signes placés sous celui de l’interrogation…

Monsieur le président de la République,

A l’heure où la France est entourée de voisins au cinéma et à la culture effondrés, avez-vous lu les mots que vous avait adressés une association de cinéastes français au mois d’avril [3] ?
Vous aurait-il échappé que dernièrement, dans le très sérieux journal Le Monde, des cinéastes du monde entier, des producteurs et acteurs du cinéma indépendant s’étaient associés pour insister sur le modèle d’exception français [4] ?

Ces derniers temps, votre tentative de barrer la montée de l’extrême droite au sein d’une Europe et d’un hexagone aux arrêtes chaque jour un peu plus acérées vous empêchait-elle de parler un peu plus de culture ? Face au triomphe de l’ultralibéralisme, faut-il laisser les partis extrémistes clamer seuls que « la culture n’est pas une marchandise comme les autres » ?

Et puisqu’aujourd’hui la révolution numérique favorise l’entrée dans l’industrie audiovisuelle et cinématographique de nouveaux acteurs dotés d’une force de frappe sans commune mesure, ne pensez-vous pas que les intérêts privés devraient davantage concourir à l’intérêt général ?

C’est à toutes ces interrogations que vous devrez répondre cet été, lorsque le ministre de la culture Franck Riester vous dévoilera son plan de réformes sur le cinéma et l’audiovisuel.

Nous avons conscience que nous sommes « à la marge » de vos grands travaux… Mais n’oubliez pas que « c’est la marge qui fait tenir les pages ensemble » [5]. Reste à découvrir si celles et ceux qui participent aujourd’hui à la culture ne seront pas éjectés des pages de votre quinquennat.

Notes
[1] Editorial de la Lettre de juin 2018

[2] Hommage à Caroline Champetier, AFC, au 47e Festival La Rochelle Cinéma

[3] Claude Lelouch et Radu Mihaileanu à Emmanuel Macron : "Vous, homme de culture, ne l’abandonnez pas !"

[4] Des cinéastes vantent "le modèle de financement du cinéma français"

[5] Jean-Luc Godard

En vignette de cet article, couverture de La Lettre de l’AFC de juin reconstituée à partir d’une photo de tournage des Misérables, de Ladj Ly, photographié par Julien Poupard, AFC, en bas de l’image à gauche.