En pensant à Claude Ruellan

par François Catonné

par François Catonné La Lettre AFC n°135

On n’imagine pas l’importance qu’a eue Claude Ruellan pour beaucoup d’entre nous. Quand j’étais assistant les caméras étaient peu fiables, et il y avait toujours quelque chose qui finissait par clocher dans les réglages. C’était toujours la veille du tournage qu’on découvrait un nouveau pépin, un défaut qui allait forcément mettre le film en péril. Tout allait être flou, la caméra allait rayer la pellicule et la voiler, tout en arrachant les perfos... Pire encore, tout le monde allait découvrir mon incompétence. C’est là qu’implorant j’apportais à Claude ma caméra, parce qu’il était ma dernière chance.

Combien de fois j’ai eu l’impression que ma "carrière" ne tenait qu’à un fil et qu’au dernier moment Claude était mon sauveur. Parce que sa science à lui était infaillible, bien réelle. Chaque fois, retardant peut être le moment de retrouver sa famille, il venait à mon secours parce qu’il savait quels dangers je courais, et que, sans son intervention, mon avenir était foutu et mes rêves anéantis. Sans lui, je ne serais peut être jamais devenu opérateur parce que mon trajet se serait arrêté bien avant. Dix fois il m’a sauvé. Avec humour et bonne humeur. Toujours compétent, souvent sarcastique (bien sûr) mais toujours avec une infinie gentillesse.

Ça fait très longtemps que je ne l’avais pas vu. A force d’aller moins souvent chez " Alga ", je ne me suis même pas aperçu du moment où il a cessé de travailler. C’est injuste et maintenant je me rends compte combien cet homme a compté pour moi et comment il m’a aidé à faire ce métier dont je rêvais, sans jamais demander quoi que ce soit en retour. Je lui dois beaucoup et je le dis ici parce que, bien sûr, je sais que je ne suis pas le seul à le penser.

Je ne connais pas son fils, mais je dis tout ça pour lui aussi, parce que je sais que quand j’ai perdu mon père, ça m’a aidé de savoir que d’autres, aussi, pensaient que c’était un homme formidable.

(Lire également les témoignages parus dans la Lettre 133 de juin 2004 dans la rubrique in memoriam.)