Entretien avec Evelyne Madaoui : RVZ, de nouvelles dimensions

Depuis le 29 mars 2016, le siège de RVZ est installé dans un nouveau site à Ivry-sur-Seine. Profitant de l’occasion quelques jours avant le déménagement des locaux de Malakoff, nous avons demandé à Eveline Madaoui de nous présenter sa maison de location d’une part et la réorganisation de chacun des services fournis selon les espaces tels qu’ils ont été aménagés d’autre part. (ND et JNF)

Le 29 mars, RVZ sera à Ivry. Qu’est-ce qui vous a poussés à déménager ?

Evelyne Madaoui : Je dirais le manque d’espace, RVZ a beaucoup évolué depuis trois quatre ans et nous manquons de place autant dans le bâtiment que dans notre cour. Nous avons de plus en plus de poids lourds qui viennent charger, notre cour et notre rue ne sont absolument pas pratiques. Il était vraiment temps de proposer aux clients mais aussi à l’équipe un vrai confort de travail qui n’existait plus, même si la bonne ambiance et la bonne humeur demeuraient. J’avais ce projet depuis deux ans.

Quand tu parles de l’équipe, combien êtes-vous ?

EM : Nous sommes 38 salariés.

Avez-vous senti une évolution depuis la création du service caméra ?

EM : Oui, avec le service caméra nous avons conquis une nouvelle clientèle que nous n’avions pas auparavant. Et puis des productions que nous avions perdues faute de ne pouvoir leur proposer de la caméra sont pour certaines ravies et reviennent vers nous. C’était l’époque des Studios de l’Olivier (Baobab), nous ne faisions que de la location Lumière pour des tournages de pub, doc émission télé, et, paradoxalement, nous ne proposions pas de location de matériel spécifique photo. Ce n’est qu’après deux ans d’existence que nous avons développé la location de ce matériel. C’est une évidence que d’avoir osé ce challenge, la location de caméra, nous a vraiment fait passer à un cran supérieur.

Combien y a-t-il de pôles chez RVZ ?

EM : Il y a le pôle Lumière, le pôle Photo, le pôle numérique Photo, le pôle Location de camions et maintenant le pôle Caméra.

Quand tu dis « numérique photo », c’est de la postproduction ?

EM : Non, nous faisons de la location de Dos numérique haute gamme, d’ordinateur équipé, d’écran… pour les photographes professionnels.

C’est une clientèle que vous avez toujours eue et que vous avez conservée ?

EM : Nous avons été la première société à proposer aux photographes professionnels la location de matériel en leur proposant un large choix, et nous avons connu un vrai succès, nous avons au sein de l’équipe de vrais techniciens photo qui maîtrisent parfaitement le matériel, c’est un vrai PLUS. Le milieu de la photo est pleine mutation, et un peu sinistré.
Aujourd’hui, les Dos haute gamme sont beaucoup moins sollicités car les supports ont évolué. Nous travaillons essentiellement avec des photographes de mode, beaucoup ont leur propre matériel. Sont arrivés aussi sur ce marché des concurrents anglais, allemands avec des petites structures en plein centre de Paris. Alors, ça a modifié le marché…

RVZ Bastille s’est arrêtée pour ces raisons-là ?

EM : Non, à l’époque nous n’avions pas cette concurrence, mais la gestion de deux sites était extrêmement complexe. Notre stock boîtiers, optiques, ordinateurs, écrans était entre Malakoff et Bastille, et nous avons vécu un petit enfer de navette de coursiers internes et externes.

Avez-vous un service machinerie ?

EM : Nous avons un stock de petite machinerie qui convient parfaitement pour certains projets. Aujourd’hui, nous avons des projets plus importants qui nécessitent une machinerie plus élaborée, et nous travaillons avec Cinésyl qui propose depuis des années du très bon matériel avec une équipe extrêmement professionnelle.
Nous louons aussi des camions (mini bus au poids lourds) ainsi que des groupes électrogènes (2 kW à 20 kW mono insonorisé sans groupiste).

Comment l’organisation a-t-elle été pensée dans les nouveaux locaux, plutôt pour le cinéma ?

EM : Ce nouvel espace a été pensé pour tous nos services qui concernent les tournages (Lumières continues, Caméra) mais aussi pour le matériel photographique, qui je dois l’avouer demande beaucoup moins de volume. Nous investissons toujours dans tous nouveaux produits professionnels photo (flashes, Briese, nouveaux boîtiers…).

Vous allez avoir un studio ?

EM : Oui, nous avons un studio qui sera à la disposition des essais pour des longs métrages, pour tous les professionnels et étudiants qui souhaitent essayer de nouveaux produits (Photo, Lumière, Caméra) et tous les fabricants qui souhaiteront faire des ateliers, des tests... Mais cela ne sera pas un studio de location.

L’avenir s’annonce-t-il bien ? Avez-vous des projets et ressentez-vous un bénéfice du crédit d’impôt ?

EM : Je ne sais pas si je l’analyse par rapport au crédit d’impôt ou au succès du service Caméra. Nous enchaînons des films avec des chefs opérateurs comme Rémy Chevrin, Laurent Dailland, Yves Angelo, Irina Lubtchansky, qui apprécient l’équipe, le service, ils ont vraiment envie de nous faire confiance et nous le prouvent en travaillant avec nous. Alors, crédit d’impôt ou petite notoriété qui monte ? Pour le crédit d’impôt en général, il était temps, et j’espère vivement que tout notre métier le ressentira, surtout pour les techniciens, beaucoup trop d’entre eux connaissent de vraies difficultés.

Le matériel n’arrête pas de changer, d’évoluer, et on demande toujours à travailler avec les nouveautés. Comment gérez-vous les investissements que vous êtes amenés à faire ?

EM : J’essaye de gérer au mieux RVZ, comme depuis de nombreuses années. Je suis toute seule, et j’en suis ravie. La banque qui nous accompagne depuis nos débuts nous a toujours suivis et continue à le faire car elle croit en nous, elle nous permet d’avancer.
J’ai souvent été sollicitée par des investisseurs. Ils vous apportent des fonds avec lesquels vous investissez massivement pour augmenter rapidement votre stock. Je n’ai absolument pas envie de cela. Je ne veux rendre de comptes à personne, ma banque et les salariés suffisent largement.
L’obsolescence du matériel est aujourd’hui tellement rapide. Avoir du stress et de l’angoisse supplémentaires avec un stock, que pour diverses raisons vous ne lourez pas comme vous l’aviez imaginé. Il resterait la solution de brader les prix, cela dégraderait l’ambiance de votre structure, démotiverait l’équipe. Je n’ai pas du tout envie de cela.

RVZ va grandir mais modérément, si l’on comprend bien… Allez-vous embaucher ?

EM : Oui, il va y avoir sûrement des embauches mais là aussi, doucement. Nous allons avoir besoin de quelqu’un à l’accueil car le nouveau bâtiment le nécessite. Nous venons d’embaucher une personne au planning caméra, un cinquième livreur et un nouveau poste également à la préparation Lumière. 
Cette partie-là est la plus difficile dans une entreprise. Vous engagez une personne qui doit trouver sa place, qui doit bien s’intégrer et, de votre côté, vous engagez un poste en contrat indéterminé, tout doit bien s’enchaîner.

Le lieu est suffisamment vaste pour que si les affaires marchent bien vous puissiez grossir un peu.

EM : Oui, la surface est trois fois plus grande qu’ici. Pour l’instant, nous nous sommes étalés, nous devrions être largement à l’aise. Il y a 2 000 m2 au rez-de-chaussée, stockage lumière, photo (Malakoff 700 m2) puis à l’étage 1 743 m2 de bureaux et bancs d’essais caméra, nous retrouvons en mezzanine cafétéria, petite salle de sport, divers petits espaces.
Peut-être que dans cinq ans je vous dirai que c’est trop petit. Cela a été un peu notre ressenti quand nous avons quitté les Studios de l’Oliver (Baobab) pour nous installer à Malakoff : « C’est immense ! », nous étions deux commerciaux dans l’Open Space, nous avons terminé à huit.

Vous aurez une petite salle de projection ?

EM : Nous en avions parlé, mais il y avait tellement de priorités, pour l’instant, non.

Quelle est votre relation avec B4Post ?

EM : Be4Post est une société à part entière, avec son identité. RVZ en détient 60 %. Elle sera locataire d’une partie du bâtiment, des espaces au niveau du service Caméra RVZ et possédera des salles équipées à la location à l’heure ou à la journée en mezzanine. Nous nous ressemblons et essayons de faire une belle synergie entre nos deux structures. D’autres projets en perspective...

Présente-nous les nouveaux locaux : qu’y aura-t-il de plus ou de différent ?

EM : Ce que nous allons trouver de plus, un RVZ Store, un espace de circulation pour les camions plus pratique, aucun problème de stationnement, il y a beaucoup de parkings, cinq ou six portes entre les départs et les retours. Il y a deux monte-charges, une grande et sympathique cafétéria où nous pourrons tous déjeuner ensemble, un petit plus, une petite salle de sport.

C’est de plain-pied tout ce qui est caméra et lumière ?

EM : Malheureusement NON, la lumière est de plain-pied, la caméra et les commerciaux à l’étage, et en mezzanine, cafétéria, salle de sport (avec douches). J’ai une envie, mais je n’ose pas trop en parler, car je dois me renseigner d’abord sur d’éventuelles contraintes imposées par la législation, je souhaiterais proposer à certaines personnes comme les intermittents qui sont souvent en "galère" de faire garder leurs enfants un peu à la dernière minute, mais nous pourrions en demi-journée proposer une baby-sitter, qui occuperait les petits pendant quelques heures avec des jeux.

Quels sont les accès en transport en commun ?

EM : C’est desservi par la ligne 7 ou 8 du métro ou le RER C, et après vous avez entre dix et vingt minutes de marche à pied, mais il y a aussi le Vélib. Par la suite, ce n’est pas pour demain mais dans quatre ans, la ligne sera allongée et vous pourrez descendre à la station Gambetta, et là, pour le coup, ce sera à 500 mètres des nouveaux locaux. Sinon l’accès en voiture est facile. Je ne voulais pas trop aller vers le nord de Paris.

Au sujet du Micro Salon, penses-tu que c’est quelque chose d’important qu’il se déroule à La fémis ?

EM : Oui, je pense que c’est un vrai repère, on ressent dans cet endroit une âme qui nous correspond.

Pour vous, ça s’est bien passé cette année ?

EM : Super, pour nous ça s’est toujours très bien passé. Surtout depuis deux ans, c’est génial, nous avons beaucoup de monde, beaucoup de gens passent nous voir contrairement à l’époque où nous ne faisions que la Lumière. J’adore ce moment, il est extrêmement convivial.

Faites-vous d’autres salons ?

EM : Nous avons fait un ou deux salons en tant qu’exposant, mais en étant loueur, aucun intérêt. Les fabricants exposent leurs nouveautés que nous louerons, le Micro Salon, c’est vraiment super pour cela.

Quelle est la place du directeur de la photo, AFC ou non, pour les productions qui viennent prendre du matériel ?

EM : Pour moi ça a beaucoup changé, une époque est révolue. Je pense qu’hormis une petite partie de chefs opérateurs AFC, ils ont peu de pouvoir, exiger des choix, des souhaits, auprès des productions.

Vous travaillez beaucoup avec des opérateurs qui ne sont pas à l’AFC ?

EM : Oui bien sûr, beaucoup, bien entendu parce qu’ils sont plus nombreux, surtout aujourd’hui. Maintenant, vous faites un devis à un directeur de production, si vous rencontrez un problème de budget, malheureusement de nos jours, c’est du quotidien, ils sont obligés de revoir leur liste. Il y a eu l’époque où le chef opérateur n’avait pas à être confronté à ces soucis, ça ne le regardait pas, ça, c’était avant.
Maintenant, c’est : « Oui d’accord, enlève ça, je ne le prends pas, que me proposes-tu à la place de moins cher... » Idem pour les chefs électriciens et notre position est très difficile dans ces moments-là, car nous comprenons parfaitement que les équipes souhaitent ce qu’il y a de mieux, et nous vivons très mal ce rapport imposé par le manque de budget.

Et les nouveaux matériels sont plus chers à l’achat.

EM : En lumière, les projecteurs LED sont dix fois plus chers que les tungstènes, par exemple. Franchement, nous n’avions pas besoin, en tout cas maintenant, de cette nouvelle génération d’éclairage. Il y a beaucoup de nouveautés, on nous présente tous les mois de nouvelles gammes de LED et beaucoup de marques différentes. Lequel est bon, lequel va plaire, lequel a un vrai plus... ? Et puis, il y a la version 1, ensuite la V2...

Allez-vous pendre la crémaillère ?

EM : Oui, nous ferons une fête, franchement pas avant fin mai, il va falloir s’installer, prendre de nouveaux repères, et puis au mois de mai, il fait beau, nous profiterons de la terrasse. J’ai hâte d’être là-bas et j’ai hâte du regard des gens, de l’équipe, cet endroit est vraiment joli, on devrait y être tous bien. Tout le monde est bienvenu.

C’est stimulant, non ?

EM : C’est super motivant. C’est une aventure qui continue et qui, j’espère, va confirmer notre état d’esprit, parce que je veux que cet endroit me ressemble, j’ai essayé dans la déco de conserver le côté famille où l’on se sent bien. Avec Anne et Samuel on se dit que ça va être tellement grand, c’est la seule chose qui nous angoisse un peu.

D’une façon générale, quand une société grandit, elle a tendance à perdre un peu de son âme. Comment vas-tu faire pour y échapper ?

EM : Ici, les bureaux étant en bas, la plupart des clients passe par le bureau. On se dit bonjour, on boit un café... Là-bas, dans ce nouvel espace, nous sommes loin de la réception, nous allons devoir bouger pour voir ce petit monde, pour les assistants caméra en essais, c’est différent, ils sont là en général la journée, mais les chefs électriciens qui viennent, c’est café, chargement et hop ! Nous allons devoir parer à cet inconvénient qui me déplaît et me contrarie beaucoup. Pour ne pas perdre son âme, je crois qu’il faut rester soi-même, que nous restions authentiques.

Lorsque tu as pris la succession de René Vaysse, comment as-tu développé ta propre personnalité au sein de RVZ par rapport à l’état d’esprit qui était le sien ?

EM : Avec René, on faisait la paire parce qu’on était à l’opposé d’un de l’autre. René est une personne avec un fort caractère. Il parlait beaucoup de ses expériences, de ses connaissances, était très à l’aise partout, donc l’opposé de moi. Le temps fait bien les choses car, naturellement les dernières années nous n’avions plus les mêmes envies. Nous avions parlé Caméra, Groupe Électrogène, lui ne voulait pas, et moi une grande envie d’avancer, mais nos dix ans d’écart les justifiaient. Je perdais donc de temps en temps ma motivation. J’ai hérité de René la vraie volonté d’avoir du matériel de qualité, propre et entretenu.

Le 29 mars, RVZ est à Ivry, continuons notre route, nous sommes heureux de pouvoir continuer cette aventure avec vous tous. C’est le bonheur !

(Propos recueillis le 16 mars 2016, à Malakoff, par Nathalie Durand et Jean-Noël Ferragut)