Faire partie - par enchantement - d’un jury à Cannes

par Taos Mérad

La Lettre AFC n°178

Taos Mérad, étudiante à l’ENS Louis-Lumière (section cinéma, promotion 2007), a participé au jury du prix Vulcain décerné par la CST lors du dernier Festival de Cannes. Elle fait part dans cet article de ses impressions.
Pour mémoire, le jury présidé par Françoise Bonnot (monteuse), se composait d’Angelo Cosimano (responsable postproduction Digimage), d’Argan Le Hir (responsable Effets spéciaux), Françoise Noyon-Kirsch (assistante prise de vues) et Françoise Berger-Garnault (monteuse).
Le jury CST du Prix Vulcain de l'Artiste Technicien - De gauche à droite : Françoise Noyon-Kirsch, Taos Mérad, Angelo Cosimano, Françoise Bonnot, Françoise Berger-Garnault, Argan Le Hir<br class='manualbr' />Photo Jean-Noël Ferragut
Le jury CST du Prix Vulcain de l’Artiste Technicien
De gauche à droite : Françoise Noyon-Kirsch, Taos Mérad, Angelo Cosimano, Françoise Bonnot, Françoise Berger-Garnault, Argan Le Hir
Photo Jean-Noël Ferragut

Les écoles de cinéma, ou du moins dans mon cas, l’ENS Louis-Lumière, nous propulsent parfois là où un simple étudiant ne semble pas avoir sa place. L’opportunité m’a été offerte par la Commission Supérieure Technique de l’Image et du Son de goûter à la plus prestigieuse manifestation cinématographique et pour cela, j’ai bénéficié d’une chance inouïe. Tant bien que mal, je me pinçais le bras, espérant ne pas rêver. Pendant dix jours, j’ai fait partie de l’un des jurys du festival de Cannes. Notre mission, décerner un prix à un " artiste technicien " qui a œuvré sur l’un des films en compétition officielle. Expérience inoubliable.

A peine descendue du train, il me faut enfiler une tenue de soirée pour monter les marches et assister à la cérémonie d’ouverture. Je suis étonnée par la grandeur de la salle Lumière (2 300 places) et par la taille de l’écran de projection : on est presque frustré lorsqu’un film n’est pas projeté au format Scope...
A propos des multiples projections qui jalonnent le festival, une chose m’a frappée : images argentiques et numériques se confondent de plus en plus et, seul notre juré " Digimage " en la personne d’Angelo Cosimano nous dévoile la véritable nature des images qui nous éblouissent : et non, l’image très contrastée du film turc Les Trois singes n’est pas un sans blanchiment classique mais de la HD " effet sans blanchiment ". Ça alors. Dans certaines salles, la projection est systématiquement numérique (Salle du 60e) tout comme la multitude des salles qui projètent les films du marché. Jpeg 2000 et pellicule se confondent bien plus facilement que je ne l’imaginais...

Pierre-William Glenn nous briefe devant un petit déjeuner au Majestic. Récompenser un " artiste technicien ", c’est récompenser l’apport artistique (et non la prouesse technique) au niveau de l’image, du son (mixage...), du montage, des décors, ou encore des effets spéciaux, indépendamment du film dans son ensemble.
En vrac, on relève le rôle du son dans le documentaire animé, Valse avec Bashir, la beauté de l’image des Trois singes. On souligne des problèmes de compréhension sonore pour deux films français, Un conte de Noël de Desplechin et La Frontière de l’aube de Garrel. On relève aussi l’image du dernier Woody Allen, Vicky Cristina Barcelona, dont le point fluctue sans cesse entre le flou et le mou.
Quelques décors intéressants : ceux de Serbis de Brillante Mendoza, de Synecdoche de Charlie Kaufman, ou d’Il Divo dont l’image et le son nous séduisent. Une photo très intéressante de Tom Stern pour le dernier Eastwood dont une copie intermédiaire a été projetée (étalonnage en cours). Mais encore : de très beaux cadres pour le film hongrois Delta et un usage très pertinent du Scope pour le film de Cantet, Entre les murs.

Bref, après une véritable orgie de films, la fatigue prend peu à peu le pas sur l’excitation générale : le choix se réduit rapidement, on tombe sous le charme d’Il Divo de Paolo Sorrentino, de ses images captivantes mais aussi de sa bande-son envoûtante, qui font de ce film un véritable opéra tragi-comique, à la fois classique et moderne dans ses choix esthétiques.

En bref, un grand merci à Pierre-William Glenn qui m’a permis de participer activement au festival tout en s’en mettant plein les yeux et à l’ENS Louis-Lumière pour les mêmes raisons. Merci à Moira pour l’organisation des festivités et merci aux autres membres prestigieux de ce jury pour leur gentillesse (et leur humour !!!)