Hollywood à la chlorophylle

par Bruno Icher

Libération, 20 août 2007

Tournages écolos, stars engagées dans la protection de l’environnement, studios sensibilisés aux méfaits de la pollution : l’industrie américaine du cinéma se met au vert.

C’est un fameux coup que vient de réussir Leonardo DiCaprio en produisant The 11th Hour. Le documentaire, qui sera distribué en France sous le titre Le Dernier Virage, est sorti vendredi dernier et a pris un envol plus que convenable au box-office américain. Mais il a surtout permis d’installer durablement le comédien en tête de file des écolos d’Hollywood. Un tour de force, compte tenu de la concurrence.

Trottinette. The 11th Hour, réalisé par les sœurs Leila Conners Petersen et Nadia Conners, passe en revue les dangers que court la planète à travers une série d’entretiens avec une noria d’experts, scientifiques, hommes politiques ou leaders d’associations, le tout soutenu par une sélection d’images fortes commentées par Leonardo himself.

Le film, dans la continuité du documentaire d’Al Gore Une vérité qui dérange, illustre à merveille la tocade hollywoodienne en faveur de l’écologie, mais aussi tous les bénéfices que la profession peut en retirer. Chaque studio s’est ainsi fabriqué une charte maison et pas un film ne sort sans que la production ne souligne que le tournage se solde par un bilan carbone neutre. Comprendre : nous avons salopé l’environnement mais nous avons planté plein d’arbres pour compenser.

C’est ainsi que le monde a appris avec soulagement que le naveton de l’été Evan tout puissant avait permis de planter 2 025 arbres en Virginie, bien que la manœuvre ne soit pas forcément la plus pertinente pour préserver l’environnement. Ce n’est pas tout : les matériaux de constructions récupérables ont été recyclés, l’acier refondu et l’argent de la vente (quand même) reversé à l’organisme Habitat for Humanity.

Désormais, à Hollywood, c’est la norme. Pour le cinéma, mais aussi pour la télévision. La chaîne Fox a annoncé que la série 24 heures fera l’objet de toutes les attentions pour réduire les émissions de carbone. Les 4 x 4 noirs, valeurs sûres de la série depuis six saisons, rouleront désormais aux biocarburants et des sources d’énergie renouvelable seront utilisées pour alimenter les plateaux. Mieux, la Fox a prévenu que la question du réchauffement climatique serait abordée dans le scénario de la septième saison, accompagnée par des conseils délivrés au public par les comédiens afin de réduire les comportements polluants. Jack Bauer n’est pas encore en trottinette, mais ça va venir.

Fée verte. Car Hollywood reste Hollywood. Il n’a pas fallu longtemps pour que la profession tout entière travaille à une stratégie de communication très haut de gamme qui rappelle les heures glorieuses du charity business. La une de Vanity Fair d’avril 2006, œuvre de la photographe Annie Leibovitz, montrant Al Gore et George Clooney aux pieds de Julia Roberts déguisée en fée verte, donnait le ton de l’engagement citoyen des stars pour la planète.
Et à titre individuel, c’est carrément la cohue. Julia Roberts est devenue la porte-parole de la société Earth Biofuels, spécialisée dans la recherche et la conception de carburants alternatifs. Elle a aussi fait équiper entièrement sa maison d’une alimentation en énergie solaire. Le tout pour 20 millions de dollars tout de même. George Clooney s’est acheté une voiture non polluante au moment du lancement de son film Syriana. Sans doute plus présentable pour assurer la promo de cette critique virulente de la politique extérieure américaine et des lobbies pétroliers. Tom Hanks est intarissable sur les vertus de la Toyota RAV4, véhicule électrique dont le succès est tel que les concessionnaires de Californie du Sud sont en rupture de stock. La belle Daryl Hannah, qui vit dans un ranch a-do-rable du Colorado, sillonne les fast-foods du coin afin de les délester de leur huile de friture pour remplir son réservoir. Orlando Bloom affirme sans rire qu’il fait très attention d’éteindre la lumière quand il quitte une pièce de sa maison. La liste est longue.

Certains font dans l’original. L’ex James Bond Pierce Brosnan, n’écoutant que son courage, a lancé une pétition pour barrer le passage d’un gazoduc à Malibu, où il possède un pied-à-terre. Dans un autre genre, Harrison Ford a eu la révélation écolo lorsqu’il a acheté un ranch de 400 hectares dans le Wyoming. Depuis, son engagement sans faille (il traque les navires pollueurs en hélicoptère) lui a valu une haute distinction puisqu’une fourmi d’Amérique centrale récemment découverte a été officiellement baptisée Pheidole Harrisonfordi. Authentique.

Ces émouvantes professions de foi ont même réussi à éclipser une étude publiée en novembre dernier. La célèbre université de Los Angeles UCLA montrait que le cinéma et la télévision étaient à eux deux le second pollueur de Californie. Juste derrière l’industrie pétrochimique.

(Bruno Icher, Libération, 20 août 2007).