Hommages de la communauté internationale à Jacques Monge

Par Laurent Andrieux pour l’AFC

La Lettre AFC n°273

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Les plus grands opérateurs Steadicam qui avaient côtoyé Jacques nous ont fait parvenir de chaleureux messages. Ses amis Garrett Brown - l’inventeur du Steadicam® -, Chris Fawcett, Dan Kneece, Ruben Sluijter, Alessandro Brambilla, mais aussi Jack Churchill, frère de Ted Churchill, les Français Loïc Andrieu, Philippe Bordelais, Jake Russell – opérateur que Jacques a formé ces dernières années et qui a cadré Steadicam Paradox(e), de Frédéric Ducomet-Boquier – rendent hommage à celui qui n’a jamais cessé de former, conseiller et soutenir des opérateurs Steadicam passionnés, aujourd’hui parmi les meilleurs, dont son propre fils, Valentin. Régis Prosper, de Cartoni France, importateur actuel du Steadicam et membre associé de l’AFC, se joint à eux pour témoigner.

Au-delà de la formation technique des nouvelles générations, Jacques a su transmettre, avec sa chaleur, son sens du collectif, son éthique et sa grande culture, l’attitude professionnelle et l’humour qui caractérisent le "style" du cadreur Steadicam que - selon lui - Ted Churchill avait créé.

- Here’s to Jacques Monge - pioneer of our bold first generation, and stalwart of cinema for 36 years.
Rail-thin and intensely gallic, Jacques appeared at our Miami workshop in 1982 and has been a dear friend ever since.
I think of him alongside Ted and Floris and Mike Bartlett–a pantheon of madcap masters–in improvised drag in Munich, prancing tirelessly, dancing dangerously, swooping other people’s rigs within millimeters of disaster, then settling back into his Gauloises haze of enigmatic melancholy.
Farewell Jacques, you shot one of my favorite movies of all time (Cyrano), and will be profoundly missed ; especially so, as always, when a fellow pioneer passes along.
Adieu, mon ami.

A Jacques Monge - précurseur de notre intrépide première génération, et dévoué au cinéma depuis 36 ans.
C’est fin comme une allumette et fortement gaulois que Jacques est apparu à notre stage de Miami en 1982, et est devenu depuis un ami cher.
Je pense à lui, aux côtés de Ted (Churchill), de Floris (Sijbesma), et de Mike Bartlett - un panthéon de maîtres fous – à la réunion improvisée de Munich, sautillant sans relâche, dansant dangereusement, piquant vers les rigs des autres à quelques millimètres du désastre, puis s’installant dans la brume de mélancolie énigmatique de ses Gauloises.
Adieu Jacques. Tu as tourné l’un de mes films préférés de tous les temps, Cyrano, et tu vas nous manquer terriblement, si particulièrement, comme toujours, quand un collègue précurseur nous quitte.
Farewell, my friend.
Garrett Brown, inventeur du Steadicam®, Philadelphia, USA

Garrett Brown massages Jacques Monge at the IBC, 2010 - ©Philippe Brelot
Garrett Brown massages Jacques Monge at the IBC, 2010
©Philippe Brelot

- With his restless exuberance, his eagle eye, his feline grace, Jacques Monge was perhaps the living embodiment of Steadicam. He was the best of men, and we’ll miss him forever.

Avec son énergie impatiente, son œil d’aigle, sa grâce féline, Jacques Monge était peut-être l’incarnation vivante du Steadicam. Il était le meilleur des hommes, et il nous manquera pour toujours.
Chris Fawcett, cadreur Steadicam

Jacques Monge et Chris Fawcett
Jacques Monge et Chris Fawcett

- Jacques Monge and I met as Steadicam students December 17, 1982 in Miami, Florida at a Steadicam Workshop taking place at Image Devices.
Our instructors were Steadicam inventor Garrett Brown, Toby Phillips and Randy Nolen. Jacques and I became good friends during the workshop. Another of our fellow students was the late Steadicam Operator Bob Ulland.
After our week long workshop, Jacques went back to Paris, Bob stayed in Florida and I went back to South Carolina as we each began our Steadicam careers. All three of us did well thankfully.
I didn’t see Jacques again until the summer of 1997 at a Steadicam Masters workshop held at San Giorgio Maggiore monastery in Venice, Italy where Jacques, Garrett, Jerry Holway, Guy Bee and I got to hang out and compare Steadicam skills. It was a wonderful time. I thought of it again when I went back to stay at San Giorgio for a month in the summer of 2015. There were many happy memories then and many new ones as well. Very sad to hear Jacques is gone, but thankfully his work and memory will live on.

J’ai rencontré Jacques Monge le 17 décembre 1982 à Miami, en Floride, à l’occasion d’une formation au Steadicam chez Image Devices à laquelle nous étions inscrits comme stagiaires.
Nos instructeurs étaient Garrett Brown, l’inventeur du Steadicam, Toby Phillips et Randy Nolen. Jacques et moi sommes devenus bons amis au cours du stage. Un autre des camarades stagiaires était l’opérateur Steadicam Bob Ulland.
Après le stage d’une semaine, Jacques est retourné à Paris, Bob est resté en Floride et je suis retourné en Caroline du Sud, et chacun a commencé sa carrière Steadicam, qui s’est révélée heureuse pour chacun de nous.
Ce n’est qu’à l’été 1997 que je retrouvais Jacques, pour un atelier Steadicam Masters organisé au monastère de San Giorgio Maggiore, à Venise, où Jacques, Garrett, Jerry Holway, Guy Bee et moi étions allés, et y comparions nos compétences Steadicam. C’était un moment merveilleux. Il m’en est resté beaucoup de souvenirs heureux et j’en ai eu beaucoup d’autres depuis. J’ai y repensé lorsque je suis retourné séjourner à San Giorgio un mois au cours de l’été 2015. Je suis très triste d’apprendre que Jacques est parti, mais, heureusement son travail et sa mémoire vivront.
Dan Kneece, cadreur Steadicam, directeur de la photo, producteur, USA

- Jacques was one of my original Steadicam instructors when I was just a little baby operator, I was so intimidated by everything but he managed to instantly put me at ease. Such a wonderfully warm and gentle man, to me he is the definition of what an operator should be. No pretenses, always kind and so giving. Not to mention a true master of the art of Steadicam. He showed me that Steadicam was so much more than just transporting a camera from A to B, he showed me that it could be done with emotion, with love even. I still feel his influence today with every shot I do, as do so many other operators. I miss him and I’m grateful to have met him, my life is better for having known him. A true legend, a true gentleman. Thank you for everything you’ve taught me.

Jacques a été l’un de mes premiers instructeurs Steadicam quand j’étais juste un opérateur débutant. J’étais tellement intimidé par tout ça, mais il a réussi à me mettre à l’aise instantanément. Un homme si merveilleusement gentil et chaleureux. Pour moi, il est la définition même de ce qu’un cadreur doit être, sans prétention, toujours aimable et généreux. Et un véritable maître de l’art du Steadicam. Il m’a montré que le Steadicam, c’est bien plus que simplement transporter une caméra d’un point A à un point B, et il m’a montré que cela pouvait se faire avec émotion, avec amour même. Je sens toujours son influence aujourd’hui, à chaque plan que je tourne, comme tant d’autres opérateurs. Il me manque et je suis reconnaissant de l’avoir rencontré, le connaître a rendu ma vie meilleure. Une vraie légende, un vrai gentleman. Merci pour tout ce que tu m’as appris.
Ruben Sluijter, cadreur Steadicam, directeur de la photographie, USA

- J’ai rencontré Jacques Monge pour la première fois à Venise, en 1997. Puis, grâce à mon ami Valentin, que je vois souvent quand je passe à Paris, j’ai eu la chance de le revoir à plusieurs occasions. J’ai eu la chance de le connaître, de lui parler, et de faire directement l’expérience de sa façon d’être toujours et simplement "lui-même", avec chacun.
Souvent, il blaguait et riait de ma plus grande taille que la sienne : « Tu es trop grand ! », disait-il. J’ai toujours considéré que cet homme fin, avec sa perpétuelle cigarette à la bouche, était un grand, un très grand bonhomme. En fait, c’était un géant, au plan humain comme au plan professionnel, et je lui voue un immense respect. Je peux parler au nom de nombreux collègues de ce côté des Alpes, qui l’ont connu et qui s’associent à moi, pour être aux côtés de Valentin, et exprimer notre amitié et notre soutien. Il va nous manquer mais ne sera certainement pas oublié.
Alex Brambilla, cadreur Steadicam, Italie

Création de l'AFCS, juillet 2008 - Premier rang : Philippe Bordelais, Guillaume Quoilin, Alessandro Brambilla -<br class='manualbr' />Deuxième rang : Emmanuel Loiseaux, Yves Michaud, Bruno "Bozo" Vildé, Jean-Marc Bringuier, Mathieu Caudroy, Jacques Monge -<br class='manualbr' />Troisième rang : Nicolas Dollander, Thierry Thuilier, Kareem La Vaullée, Olivier Merckx, Rodolphe Lauga -<br class='manualbr' />Quatrième rang : Omar Elmontaser, Loïc Andrieu, Michel Rodas, Wilfried de Souza
Création de l’AFCS, juillet 2008
Premier rang : Philippe Bordelais, Guillaume Quoilin, Alessandro Brambilla -
Deuxième rang : Emmanuel Loiseaux, Yves Michaud, Bruno "Bozo" Vildé, Jean-Marc Bringuier, Mathieu Caudroy, Jacques Monge -
Troisième rang : Nicolas Dollander, Thierry Thuilier, Kareem La Vaullée, Olivier Merckx, Rodolphe Lauga -
Quatrième rang : Omar Elmontaser, Loïc Andrieu, Michel Rodas, Wilfried de Souza

- Only met Jacques once, with Ted. Jacques and Ted Churchill were the best of friends. Ted loved him.

Je n’ai rencontré Jacques qu’une seule fois, avec Ted. Jacques et Ted Churchill étaient les meilleurs amis du monde. Ted l’adorait.
Jack Churchill, directeur de la photo, frère jumeau de Ted Churchill, USA

Jack Churchill, Aaton 16 à l'épaule, dans les rues de Grenoble (siège d'Aaton)
Jack Churchill, Aaton 16 à l’épaule, dans les rues de Grenoble (siège d’Aaton)
Ted Churchill, "inventeur du cadreur Steadicam"
Ted Churchill, "inventeur du cadreur Steadicam"

- Avec Jacques et d’autres cadreurs Steadicam, on s’est battus pour faire reconnaître notre métier de cadreur Steadicam, pas "opérateur Steadicam", "machiniste sous l’autorité du directeur de la photographie". C’est pourquoi, en 2008, avec Jacques et Valentin, Mathieu Caudroy et d’autres grands noms de la profession, nous avons fondé l’AFCS, l’Association Française des cadreurs et cadreuses Steadicam, pour créer une définition de fonction différente de celle du cadreur traditionnel, reconnue par la convention collective.
J’ai eu la chance d’être formé dans la "famille Monge". Jacques nous disait : « Vous êtes cadreurs Steadicam, vous ne piquez pas le boulot des cadreurs ! » et on a pris la décision de nous spécialiser, parce qu’il est difficile d’être un bon multi-instrumentiste, ce qui pousse la profession à nous considérer comme des cadreurs Steadicam "purs".
Jacques Monge est une personnalité immense, qui a fait partie des pionniers du Steadicam en France au début des années 1980 : L’Arbre, de Jacques Doillon (1982), puis Trois hommes et un couffin (1985), Le Grand bleu (1988), puis Nikita, Les Nuits fauves, La Haine.

Perdre Jacques c’est perdre une éthique, une philosophie, une rigueur, une parole, une pensée, un repère.
Loïc Andrieu, réalisateur, cadreur Steadicam

- Quelle tristesse d’apprendre cette nouvelle. Il y a presque 30 ans, Jacques a été l’une des personnes charismatiques qui m’ont donné l’envie d’exercer le métier de cadreur Steadicam. Echanger avec lui n’était jamais banal ni anodin. Ses analyses critiques étaient parfois malicieuses, souvent engagées, de toute façon passionnées et nourries d’une riche culture technique et cinématographique. Jacques fait partie de notre mémoire collective. Pas question de l’oublier !
Philippe Bordelais, cadreur Steadicam

Ruben Sluijter, Philippe Bordelais, Kareem La Vaullée, Garrett Brown à l'IBC 2010 - ©Philippe Brelot
Ruben Sluijter, Philippe Bordelais, Kareem La Vaullée, Garrett Brown à l’IBC 2010
©Philippe Brelot

- Nos chemins se sont croisés il y a seulement trois ans, j’étais alors un jeune passionné de Steadicam et Jacques est rapidement devenu mon mentor. De cette relation est née une amitié intense, malheureusement beaucoup trop courte.
Jacques m’a soutenu, accompagné et motivé dans toutes mes démarches concernant le Steadicam, et le Steadicam Tango. Un soutien qui l’a amené à s’engager comme co-fondateur et premier président de notre société Russell Stead crée en juin 2016. Je suis loin d’être le premier qu’il a accompagné, mais probablement le dernier ; c’est sa générosité et sa passion qu’il voulait partager et transmettre.
Jacques, tu as connu la sortie en salles de Fenêtre sur cour, en 1954, alors que moi, c’était Matrix, quand j’avais le même âge. Ton départ est arrivé trop tôt. Tu resteras profondément présent dans mon esprit, mes choix et mes ambitions. Merci pour tout...
Je remercie sa compagne et mon amie Anouk qui l’a accompagné jusqu’au bout.
Je pense fort à sa famille Jenny, Quentin, Valentin, Martin, Christine, Valérie, Silvia, Anouk ainsi qu’à ses petits enfants.
Jake Russell, cadreur Steadicam, France

- J’ai connu Jacques lorsque j’ai repris l’importation de la marque Steadicam en France, en 1997. Sa carrière était déjà bien avancée. J’ai passé quelques très bons moments avec lui, notamment quand il était venu assister au workshop que j’avais organisé à Paris en 2005 avec Garrett Brown, où Valentin était instructeur. Si nous avons très peu de vrais amis dans la profession, Valentin en est un.
De Jacques, je retiendrai les discussions passionnées, sa culture incroyable et son exigence sur la pratique et l’apprentissage du Steadicam. J’ai toujours essayé de respecter ces exigences.
Malgré sa grande fatigue il était venu me voir au petit salon de la stabilisation que l’on a organisé avec Planning Caméra, fin octobre 2016.
C’est une immense perte pour notre métier.
Régis Prosper, Cartoni France

  • "La journée du Steadicameur", réalisé par Lithana Rebelou, montage Christine Keller, avec Jacques Monge. Merci à Garrett Brown d’avoir retrouvé le document !

    https://vimeo.com/202783568

Traductions et composition Laurent Andrieux pour l’AFC