"Il faut nous préparer pour le futur"

Des propos de Vilmos Zsigmond, ASC

Dans une série de onze entretiens recueillis à Plus Camerimage 2011 par la journaliste britannique Madelyn Most, des directeurs de la photographie font part de leurs réactions concernant l’impact des technologies numériques sur leurs responsabilités et leur travail au quotidien.
Nous publions ici la traduction en français des propos du DP américain Vilmos Zsigmond, ASC.

Oui nous avons un problème dans le monde numérique – nous avons beaucoup de gens qui veulent finir notre travail, et cela leur est facile de venir pousser des boutons avec la possibilité de changer toutes les images autant qu’ils le souhaitent. C’est un GROS GROS problème.

Nous aurions besoin d’un syndicat pour résoudre ce problème mais les syndicats ne feront rien parce qu’ils ont tellement peur des producteurs durant les négociations contractuelles qui concernent les soins de santé, la durée du travail, etc. C’est un problème artistique. L’ASC n’est pas capable de nous aider car c’est une organisation artistique et ils veulent la paix.

J’essaye de faire en sorte que les agents mettent dans les contrats des chefs opérateurs que le contrôle de l’image finale leur appartient.

En ce moment le réalisateur, le monteur, les gens des effets visuels ou quiconque veut aider (ce qui signifie : changer les couleurs, le contraste, l’atmosphère, le " look ") peuvent le faire mais s’ils n’arrivent pas à me convaincre que c’est mieux que l’idée originale sur laquelle j’ai travaillé avec le réalisateur durant la préparation et le tournage, alors je préfère revenir à l’idée originale et contrôler les décisions finales moi-même.

C’est comme lorsque les réalisateurs avaient le " final cut ". Je ne sais pas ce que cela nécessitera de se battre pour ça mais j’aimerais mettre en place une manière pour les chefs opérateurs d’avoir le contrôle final de l’image. Il faut que nous nous préparions pour le futur.

Beaucoup de gens disent que le film coûte trop cher et que c’est trop compliqué mais c’est complètement faux. Travailler et finaliser sur pellicule est beaucoup plus simple comparé au cauchemar que vous avez en cinématographie numérique.
Ils disent que nous devrions manipuler les images sur le moniteur du plateau pendant le tournage, c’est-à-dire les images qui seront utilisées dans la version finale (s’ils ne la changent pas !).
Vous voyez sur l’écran l’image sur laquelle vous travaillez à ce moment-là mais ensuite cette image va au laboratoire où les techniciens doivent transformer ces images numériques (en tant que datas) et les incorporer à un système qui n’est pas le même que celui que vous avez utilisé sur le plateau.

Lorsque certaines personnes disent qu’elles ne peuvent pas dormir la nuit dans l’attente du " look " qu’auront les rushes, et bien moi, JE NE PEUX PAS DORMIR LA NUIT quand je pense à tout ce que les gens du numérique vont effectuer au moment de faire leur propre version de mon travail. Nous sommes en danger de tourner quelque chose qui ne sera jamais utilisé de la manière dont nous l’avons tournée.
Nous devrions avoir le droit de contrôler le " look " final du film.

Ce que l’on oublie, c’est que l’on travaille avec la réalisateur et les acteurs pour obtenir des interprétations de qui est la chose la plus importante dans un film.

La partie la plus importante de notre travail est de raconter l’histoire avec l’atmosphère, la composition, la lumière, les mouvements de caméra, etc., appropriés. C’est cela que vous mettez à l’écran.

Le directeur de la photographie est la personne qui a la connaissance, l’expertise, le " background " artistique qui lui permettent de savoir à quoi leur film doit ressembler. Si le réalisateur se met à écouter une multitude d’avis différents, nous, les chefs opérateurs, allons être écartés du processus et l’idée originale du film sera compromise.

(Merci à Jean-Marie Lavalou pour cette traduction de l’anglais)