" Il y a trop de films " qui sortent, affirme la cinéaste Pascale Ferran

par Nicole Vulser

Tout noir ou tout blanc. Tel serait l’état du cinéma à écouter les intervenants de deux colloques cannois. Le premier, mardi 15 mai, avait pour thème " Indépendance et dépendances, liberté de création et diversité de diffusion ". Le second était centré sur " Le Public de demain ".
L’humeur est pessimiste chez les réalisateurs.

Pour Nicolas Philibert, le documentaire est « un genre moribond, qui meurt sous les coups de ceux qui prétendent lui redonner vie ». Pascale Ferran, César du meilleur film pour Lady Chatterley (2006), a raconté quelques histoires pour illustrer le début du malaise. Dont celle-ci : « Il y a une dizaine d’années, un responsable de la fiction de France 3 visionne des rushes. A la question : “Ça va ?”, il répond : “Pas du tout, ils me plaisent beaucoup et ça ne fera pas d’audience !” » Pascale Ferran s’est agacée du fait qu’un « mauvais film à très gros budget » comme Belphégor puisse faire un flop en salle, en toute impunité. Le réalisateur aura même, selon elle, davantage d’argent pour effectuer son prochain film. Une façon de parodier Matthieu l’Evangéliste, comme l’a souligné l’économiste Serge Regourd : « On donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a. »

Selon Pascale Ferran, le malaise du cinéma vient aussi du fait qu’« il y a trop de films » (environ deux cents par an sont produits en France), « trop de simulacres, de films qui n’en sont pas vraiment ». Cette affirmation, qui a choqué le public, renvoie aux propos attribués à Salieri sur Mozart dans le film de Milos Forman Amadeus : « Il y a trop de notes... » La cinéaste a lancé un éternel débat sur les films inutiles qu’il faudrait étouffer dans l’œuf pour permettre aux bons de mieux exister. Mais l’Américain Adrian Sexton vice-président de Participant Productions, est allé dans le même sens que Pascale Ferran : « Beaucoup de films qui sont de la merde n’auraient jamais dû être faits. »

Dans le camp des optimistes résolus, Michael Gubbins, rédacteur en chef de Screen International, a harangué les réalisateurs : « Réjouissez-vous, on ne peut plus parler de surproduction de films. Ce sont des problèmes que l’on résoudra grâce au numérique. » A ses yeux, ce nouvel eldorado permettra des changements de consommation, une distribution beaucoup plus ciblée, des films moins chers à réaliser... Ce qui n’a guère convaincu François Yon, fondateur de la société Films Distribution : « Le cinéma va périr avec son siècle. J’espère être le dernier dinosaure », a-t-il lancé.

(Nicole Vulser, Le monde, 18 mai 2007