Sur la piste du Marsupilami

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La première fois qu’Alain Chabat m’a parlé de son Marsupilami, nous étions à Ouarzazate pendant le tournage d’Astérix et Obélix mission Cléopâtre, c’était en décembre 2000. Je connaissais l’admiration d’Alain pour Goscinny et découvrais que tout comme moi, il était un grand fan de Franquin. Du rêve d’Alain à la réalité  : 12 ans ! Je passerai sous silence toutes les péripéties du montage de ce film, les enthousiasmes et les déceptions. Alain a eu du courage ! Et je souhaite sincèrement au Marsupilami de rencontrer son public.
Alain Chabat, un metteur en scène - acteur - producteur qui aime la lumière - Photo Laurent Dailland
Alain Chabat, un metteur en scène - acteur - producteur qui aime la lumière
Photo Laurent Dailland

Comme tous les films d’un budget important avec de lourds truquages, entre le premier tour de manivelle et la sortie, il se passe quasi deux ans. Et l’histoire du tournage de ce film se situe au cœur des importants bouleversements technologiques ou mercantiles que nous traversons en ce moment.
Bien sûr il a été question de relief, bien sûr il a été question de numérique et bien sûr il a été question de devis, de plein de devis… Un petit coup de chapeau à Bruno Vatin, notre directeur de production, qui a su garder son sang-froid. Que d’allers, que de retours…
Quand on pense qu’aujourd’hui un film sur deux se tourne avec la caméra Alexa, mi-juillet 2010 je ne pouvais en voir qu’une sans trop savoir comment elle allait enregistrer les images. 45 jours plus tard il m’en fallait 5 opérationnelles dont 4 sur deux rigs 3D… Nous avions décidé de tourner avec des Genesis et au milieu des essais caméra et du peaufinage des rigs, le relief est tombé (une pensée pour Binocle et pour notre stéréographe Céline Tricart).

Marsupilami - Belgique
Marsupilami - Belgique


Exit le relief, exit les Genesis, exit le numérique. Chacun a trouvé les solutions pour qu’on puisse tourner en 35, en particulier Olivier Raoux qui pour y parvenir a tenu à faire des économies dans le budget déco… L’an dernier, c’était un peu plus cher de tourner en 35, ce n’est déjà plus vrai aujourd’hui et cela le sera encore moins demain quand nous opérateurs exigerons une postproduction numérique décente… Que de surprises en perspective… Mais c’est un autre débat.
Avec la perte du relief, Monsieur Seydoux a proposé de sortir le film en IMAX. Et bien ce n’était pas une parole en l’air, je rentre tout juste de Santa Monica où je suis allé valider le DCP IMAX chez IMAX ! Le film sortira donc au Pathé Quai d’Ivry et à Disneyland Paris en IMAX (ainsi qu’à Rouen, Lyon et Toulouse). J’essaie d’organiser une projection pour l’AFC, parce que vraiment c’est indescriptible. Il est rassurant de savoir qu’au moment où l’on entend quotidiennement cette petite phrase déprimante : « Franchement, les spectateurs ne voient pas la différence… », d’autres gens se battent pour la qualité d’un spectacle : des techniciens, des réalisateurs, mais aussi des producteurs (Jérôme Seydoux et François Ivernel).

Petite anecdote : quand le staff IMAX est venu chez Digimage voir le film en cours d’étalonnage, au bout de deux minutes de projection, le numéro deux d’IMAX s’est tourné vers moi et s’est exclamé : « God Thanks ! You shot in 35 ! ». N’abandonnons pas complètement les cames " Carpentier-Lumière " ni les odeurs d’hyposulfite de soude…

Marsupilami - France
Marsupilami - France


Je me suis un peu écarté du sujet habituel de présentation d’un film, mais le débat qualitatif est tellement actuel. D’ailleurs pour Alain Chabat, dans son travail, son discours, sa manière d’être, chaque spectateur est unique. Que dire de plus, Olivier Bériot a réalisé des costumes incroyables, Katche Vandamme tout le panel des maquillages existants sur le marché, Olivier Cauwet et Buf Compagnie un marsupilami trop mignon, Hakim Ghorab des chorégraphies exceptionnelles, Bruno Coulais des musiques et des tubes, Marilyne Monthieux un montage d’anthologie… Sans oublier la générosité de tous les acteurs du film… Alors quoi de plus simple pour une équipe image française, belge et mexicaine de faire un beau film…`
En fait non, c’était une galère ! Non pas une galère, une aventure, une transatlantique avec du beau fixe et des coups de tabac.

Vous demanderez à Pascal Pajaud et Carlos Sánchez comment on a fait des scènes solaires dans la jungle en pleine nuit.
Vous demanderez à Jean-Paul Agostini et Gil Fontbonne comment ils ont fait 8 plans de grue T 50 en moins d’une heure pour profiter d’une émouvante déchirure de soleil au milieu de la flotte et de la boue.
Vous demanderez à Océane, Verde, Wilma, Claire pourquoi la profondeur de champ était inversement proportionnelle au budget.
Vous demanderez à Yves Domenjoud s’il refera de la fumée sur un autre film.
Vous demanderez à Anna Roth la productrice mexicaine (géniale) comment elle a fait pour travailler avec tout un asile d’aliénés échappés de France. Etc., etc.
Mais je suis sûr que tous vous répondront avec un grand sourire.

Sur la piste du Marsupilami - Mexique
Sur la piste du Marsupilami - Mexique


Vous avez remarqué que j’ai employé beaucoup de superlatifs, sachez que c’est sincère. Alain a le talent de rendre les gens " superlatifs " sur ses tournages.
Je n’oublie pas les " superlatifs " de la déco, je veux juste terminer par eux. Je les remercie tous du fond du cœur, du plus petit jardinier mexicain, au chef décorateur Olivier Raoux. Je cite la petite phrase d’Alain Chabat dans le générique de fin :
« Olivier, tu es dans chaque image du film et tu nous manques ! »

Je connais Alain depuis les essais filmés de La Cité de la peur (1993) et j’espère que j’ai compris ce qu’il m’a demandé : « Laurent, on n’a pas de relief, on n’a pas assez de temps, le budget est trop serré, mais il faut que ça déchire !!! »
Quand j’étais chez IMAX, je trouvais tout bien, mais je me sentais un peu seul devant ce gigantesque écran. J’ai hâte de voir le film avec du public pour savoir si j’ai réussi ce que m’a demandé Alain.

Portfolio

Équipe

Cadreur : Jean-Paul Agostini
1ers assistants caméra : Océane Lavergne, Raymundo Verde, Wilma Gómez, Claire Pierrard
Opérateur 2e équipe : Pierre-Hugues Galien
Chef électricien : Pascal Pajaud
Gaffer mexicain : Carlos Sánchez
Chef machiniste : Gil Fontbonne

Technique

Pellicules : Kodak (5201/07/17/19)
Matériel caméra : Panavision Alga (Moviecam et Arricam Lite, format 2,35 Super 35, objectifs Master Primes et zooms Angénieux Optimo)
Laboratoire France : Digimage Le Lab
Laboratoire Mexique : Labo Digital
Laboratoire postproduction : Digimage Cinéma
Effets spéciaux numériques : BUF Compagnie Pierre Buffin
Directeur des effets spéciaux : Olivier Cauwet
Étalonneur des rushes : Charles Fréville
Coloriste : Isabelle Julien