Josef Svoboda

par Jean-Noël Ferragut et Jean-Jacques Bouhon
Le scénographe tchèque, concepteur d’un projecteur de théâtre qui porte son nom, le " Svoboda ", est mort lundi 8 avril à Prague à l’âge de 81 ans.

Ce grand homme de la scène européenne a débuté sa carrière en signant, dès l’âge de 25 ans, des décors pour le théâtre et pour l’opéra, qu’il affectionnait particulièrement pour y avoir effectué un travail qui lui a permis de « créer une mise en scène plastique » et dynamique, souvent inspirée des rythmes musicaux.
Il avait fondé à Prague, avec son compatriote le metteur en scène Alfred Radok, le théâtre de la " Laterna Magica " où, mêlant les techniques du cinéma à celles de la scène, il imagina des spectacles fantasmagoriques dans lesquels la lumière (élément dont il possédait une parfaite maîtrise mais qu’il travaillait de sorte qu’on la remarque à peine ou dont il se servait à des fins de stylisation dramatique) et les projections fixes ou filmiques contribuaient à créer un effet d’illusion des plus singulier. Ces spectacles firent, à partir des années 1960, le tour du monde.

Une rétrospective consacrée à son travail de décorateur et de scénographe s’est tenue à Paris au Centre Pompidou en 1992.

Un projecteur, dont il était le concepteur, porte son nom : le " Svoboda " est constitué de 9 lampes basse tension 24 V à calotte argentée (système à double miroir), montées en série et alimentées en 220 V. Ces lampes sont fixées en quinconce sur l’appareil de façon à donner une lumière assez crue grâce à un pinceau assez étroit et à permettre, entre autres, de réaliser des " murs de lumière ".
En effet, en jouxtant côte à côte plusieurs Svoboda, leur forme étant trapézoïdale, on obtient ainsi une ligne continue de projecteurs, qu’ils soient accrochés sur une porteuse ou encore posés au sol, qui donne dans l’espace une longue raie de lumière d’une cinquantaine de centimètres à un mètre d’épaisseur, voire plus selon la distance de projection.

Alain Vincent, notre conseiller émérite en la matière et lui-même concepteur lumière, se souvient qu’au milieu des années 1970, au meilleur de l’utilisation de ce matériel et pour un certain spectacle d’opéra, plusieurs porteuses avaient été équipées, sur trois rangées en profondeur, de tous les Svoboda disponibles sur la place de Paris et d’alentour, eux-mêmes pourvus de diverses gélatines colorées.
L’artiste en charge des lumières avait pu obtenir des murs lumineux divers, variés et du plus bel effet, mais, au moment du plein feu, la muraille ainsi crée avait la fâcheuse propension à mettre tout le beau monde présent sur la scène littéralement en eau, étant donnée la chaleur dégagée par l’armée de Svoboda.

Lors du tournage de Trois hommes et un couffin de Coline Serreau, Jean-Yves Escoffier avait construit la lumière venant des fenêtres du décor naturel où se déroulait la majeure partie de l’action à l’aide de Svoboda qu’il avait fait installer sur des échafaudages entourant l’appartement situé dans le Marais. _ Ce dispositif contribua grandement à donner à ce film l’aspect doré, voulu par Coline et Jean-Yves.

Josef Svoboda avait également travaillé pour le cinéma ; il avait notamment créé les décors des Trois sœurs, réalisé par Sir Laurence Olivier en 1970, et d’Amadeus, réalisé par Milosz Forman en 1984.