L’Armée des ombres

Paru le La Lettre AFC n°147 Autres formats

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La restauration de L’Armée des ombres, mon dernier travail, un peu comme un dernier film ! Nous avons tourné l’hiver 1968-1969 et depuis les années 1970 on ne pouvait plus rencontrer L’Armée des ombres que sur le petit écran, et non pas sur une vraie " toile " et en bon état.

La collaboration avec Jean-Pierre Melville a été une mise à l’épreuve quasi quotidienne mais une étape enrichissante à la suite de laquelle j’ai eu le sentiment de devenir un vrai chef op’.

Participer au plus près à la restauration d’un film vieux de 35 ans m’a vraiment passionné. Finir avec un négatif argentique tout neuf et une copie positive toute fraîche sortie des mains des techniciens et amis de chez Eclair, quel plaisir !

Redécouvrir la cinématographie puissante et épurée de Jean-Pierre Melville, quelle émotion pour nous cinéastes !
J’espère que nous en parlerons le 3 octobre.

Filmé sur pellicules Kodak et traité chez LTC l’hiver 1968-1969.
Restauré l’hiver 2004-2005 chez Eclair sur Lustre et pellicule Kodak.

" Nous sommes dans un des Forts Vauban de la région parisienne. J’étais très inquiet, il fallait que je réussissse. La qualité de la relation avec un scénario et un metteur en scène se joue dès les premiers rushes. J’avais simplement équipé les abat-jour du décor afin d’exposer correctement la pellicule. Le caractère de l’éclairage est donné par les seuls abat-jour. On dirait aujourd’hui que c’est un éclairage minimaliste. "

Copie restaurée et DVD édité par Studio Canal

Extrait de presse

  • Le chant funèbre de Jean-Pierre Melville
    Cinéma : réalisé en 1969, entre Le Samouraï et Le Cercle rouge, L’Armée des ombres, onzième long métrage de Jean-Pierre Melville est l’adaptation d’un roman de Joseph Kessel, écrit « à chaud » en 1943. Melville, qui s’était fait une spécialité d’auteur de film noir « à la française » s’attaquait à une période de l’histoire et à une aventure, celle de la Résistance, à laquelle il participa dans sa jeunesse.
    Le film s’attache plus particulièrement aux membres d’un rééseau de résistance et se découpe en longues séquences où la motivation principale des individus s’efface derrière l’action pure, laconique, apparemment détachée de toute causalité, et justification idéologique. Après avoir été détenu dans un camp de concentration, l’ingénieur Philippe Gerbier (Lino Ventura impérial) s’évade de l’hôtel où il devait être interrogé par la Gestapo. Il rejoint ses camarades, est capturé, puis sauvé avant d’avoir à faire un choix douloureux.
    Appliquant aux soldats de l’ombre, le même traitement qu’à ses flics et truands, Melville ne détruit pas le mythe politique de la Résistance (une séquence montre furtivement de Gaulle en apparition divine)mais décompose celle-ci en sune suite de comportements fascinants et létaux.
    L’Armée des ombres s’inspire d’évènements réels (l’arrestation et la mort de jean Moulin par exemple) auxquels il fait subir le traitement d’une transposition ultrastylisée. Loin de tout triomphalisme et de tous pathos, le maniérisme de Melville atteint ici un degré extrême de pure incandescence poétique où l’attente, le mouvement, la mort ou la mise à mort, le sacrifice se juxtaposent. Et ce qui frappe tout spectateur du film, c’est l’incroyable tristesse qui s’en dégage et qui atteint son sommet lors du carton final, énumérant le sort que connurent les protagonistes du récit.
    Le DVD contient en supplément une suite d’entretiens réalisée par Philippe Quinconneau. Si certaines d’entre eux apparaissent sans véritable nécessité, d’autres décrivent avec précision la genèse du projet. Pierre Lhomme qui signa la magnifique photo du film, raconte la façon dont Melville, politiquement très éloigné de lui, lui demanda de rejoindre son équipe. Jean-Pierre Cassel relate les relations orageuses entre le cinéaste et Ventura, qui ne se parlaient que par assistant interposé.
    Jean-François Rauger, Le Monde du 27 mai 2005