L’"Internet-Plus" prêt à transformer les modèles économiques chinois de l’industrie du film

Echos du festival du film de Shanghaï

La Lettre AFC n°255

C’est plein d’assurance que les décideurs chinois des secteurs du film et de l’Internet ont présenté un nouveau modèle économique qui pourrait changer la vie des studios locaux et faire reculer l’influence d’Hollywood sur la Chine. Lors d’un séminaire de haut niveau réuni au festival du film de Shanghaï, les riches dirigeants de Bona Film Group et de Enlight Media ont révélé de nouveaux catalogues de films locaux de plus de vingt titres chacun, qui sont alimentés de "big data", de propriété intellectuelle générée sur internet et de marketing sur les nouveaux media.

Des dirigeants de Youzu Interactive et de Alibaba Digital Entertainment étaient là pour les encourager à parler de plateformes de contenu transactionnel et crowdfunding de masse. Le terme "Internet Plus", attribué à Li Keqiang, premier ministre chinois, est une référence à la capacité d’internet de permettre les innovations.

« Depuis douze ans, nous avons connu une première réforme. Maintenant, nous avons besoin que Baidu, Alibaba et Tencent nous aident à accroître notre compétitivité face à Hollywood. Déjà l’an passé, nous avons augmenté le volume de ventes en ligne et de base de données de fans », dit Yu Dong, PDG du groupe de production et de distribution Bona Film. Il a poursuivi en annonçant un nouveau catalogue de 26 films dont l’objectif de recettes est de 10 milliards de yuans (1,6 milliard de dollars).

Wang Chengtian, dirigeant de Enlight Media, a annoncé que sa compagnie, qu’il décrit comme une "compagnie du film de génération 1.5", est en train de composer un catalogue de 20 films.

Wang prévoit qu’une entreprise d’abonnement de flux vidéo, de type Netflix, doit réussir en Chine. « Mais ce ne sera pas forcément un acteur actuel du secteur ».

Liu Chunning, à la tête d’Alibaba Digital Entertainment, dit que le projet de site marchand "T-Mall Box Office", qui doit ouvrir dans les prochains mois, a l’intention de devenir ce nouvel acteur. Il le décrit comme la plus grande vidéothèque chinoise, qui ne sera pas gratuite, à la différence des services actuels dominants de streaming, qui vivent de la publicité. Construire une plateforme transactionnelle universelle représente pour lui un catalyseur pour toute l’industrie du film.

De même, Wang a-t-il prédit que de telles recettes auxiliaires devraient changer le modèle économique des sociétés chinoises du film : « Nous prévoyons que les entrées en salles représenteront moins de la moitié de nos recettes, dans l’avenir, les recettes principales provenant d’autres médias et de vente en ligne ». A l’heure actuelle, le marché chinois du film voit 85 % de ses recettes provenir des salles. Le pays souffre d’un sous-développement de marchés auxiiaires, d’une faible redevance télévision, et du piratage.

Alors que l’effort des responsables était largement porté sur la réponse à l’énorme demande du marché intérieur, ils se sont vus monter des affaires d’envergure mondiale depuis la Chine. Au cours d’une conférence de deux heures, il n’a jamais été question de régulation ou de censure, mais seulement d’opportunités, de profits incroyables et de battre les ringards d’Hollywood.

« Les gens d’Hollywood sont bornés, démodés et incompétents »

« Les gens d’Hollywood sont bornés, démodés et incompétents », affirme un conférencier. « Le Japon et l’Europe sont à la traîne », dit Youzu’s Lin. Plusieurs fois, la question a porté sur l’absorption des entreprises chinoises du cinéma par les géants de l’Internet, mais un consensus semble émerger pour que le contenu reste le roi.

« A deux occasions, Jack Ma, fondateur d’Alibaba, m’a dit qu’il souhaitait une plus large diffusion de films, plus d’effort dans la vente d’entrées et de produits dérivés. Il m’a convaincu du besoin de contenus de qualité sur les plateformes de diffusion », dit Wang de chez Enlight. « Nous ne travaillons pas pour Baidu, Alibaba et Tencent, mais plutôt pour le public chinois. »

Liu, de chez Alibaba Digital Entertainment, dit : « Nous allons lever des fonds pour créer un écosystème de l’ "entertainment" qui soit ouvert à tous les producteurs. Liu dit que la version structurée de crowdfunding d’Alibaba, du nom de Yue Le Bao, a déjà levé 560 millions de yuans (91 millions de dollars) après 13 tours de table et réalisé des investissements dans 20 films et séries TV dès à présent.

Yu dit que le catalogue de 26 films de Bona contiendra certainement plusieurs titres produits grâce à l’Internet, des émissions de télévision, un long métrage qui doit être réalisé par Zhang Muye, l’auteur de la série littéraire à succès "Ghost Blows Out The Light" ("Le fantôme crache la lumière") – qui est adapté par Wanda, Enlight et les frères Huayi, comme le succès de décembre sous le titre The Ghouls (Les Vampires) – et une série TV basée sur la série littéraire "Ghost Never Speaks" ("Le fantôme ne parle jamais"). Yu a aussi révélé que Bona travaille avec le groupe China Film sur un troisième épisode de sa série de films de propagande pro-gouvernemental.

Yu a commenté son annonce précédente de voir privatisée et entrer au Nasdaq la compagnie Bona Film. Les spéculations vont bon train à imaginer que des actions de la compagnie soient cotées sur le marché chinois. « Mon public est en Chine. Rentrer chez soi est le vœu de tous les investisseurs et associés », a-t-il dit.

Source : Patrick Frater
Variety.com