LTC... Eric Vaucher, chef opérateur du son, témoigne

La Lettre AFC n°216

Jour triste aussi pour moi qui, comme beaucoup d’autres, a franchi les portes de ce temple, le cœur battant avant la projo des rushes, tout excité et follement inquiet de ce qu’on allait découvrir. Ne pas arriver en retard. Participer à la messe.

La carotte et le bâton que nous allions chercher, faisant fi des limitations de vitesse, des encombrements et des stationnements hasardeux, chaque soir ou chaque après midi, rituel bien huilé, durant lequel chacun jouait sa partition d’assistant ou de chef, après avoir reniflé l’acidité doucereuse du révélateur et être passé par les soutes grondantes et les salles des machines.
Aurions nous droit à la " Grande " qui faisaient de nous les premiers spectateurs privilégiés, dans ce qui ressemblait à un cinéma de province, de ces images sur pellicules qu’on avait vues " en vrai " quelques heures avant ?

J’y suis allé comme perchman avec la hantise que l’ombre cachée dans le pot de fleur, le montant de la fenêtre ou le pli du rideau, se révèle traitreusement aux yeux de tous ; que le bout de la bonnette qui titille le cadre dans la réserve ne s’appuie trop sur le trait pour finir par le dépasser et s’inviter dans le plan.
Quelles sont longues ces 10 ou 15 minutes, concentré de tant d’efforts et de passion ! La lumière se rallume. Tout s’est bien passé. Sentiment de liberté. Rendez-vous au tabac, de l’autre côté de la rue, pour refaire les plans, ajuster le tir, affiner, se persuader que demain on fera mieux.

Puis j’y suis allé comme ingénieur du son. Mêmes angoisses, mêmes plaisirs, mêmes joies, mêmes déceptions, avec un cran de responsabilité en plus.
Voilà ce à quoi que la triste actualité me fait penser.

Eric Vaucher, le 17 décembre 2011