La Jalousie

La Jalousie, du pastel au fusain. Après Un été brûlant, Willy Kurant retrouve Philippe Garrel pour son dernier film tourné en mars 2013, La Jalousie. Si le premier traitait l’image comme une aquarelle aux couleurs primaires, le deuxième, également tourné en Scope, est réalisé dans un noir et blanc très contrasté, au fusain. (IS)
Philippe Garrel et Willy Kurant sur le tournage de "La Jalouise" - Photo Guy Ferrandis
Philippe Garrel et Willy Kurant sur le tournage de "La Jalouise"
Photo Guy Ferrandis

La demande de Garrel était une photo au fusain, contrairement à ce que j’avais fait pour le précédent film, qui avait une photo au pastel.
C’est donc un film en noir et blanc, en vrai Scope, en 35 mm, avec des objectifs Hawk, un 40, un 50 et un 65 mm. Le 65 mm à double tirage a terriblement séduit Philippe Garrel. Cette optique donnait une image et une brillance qui le séduisaient. Mais nous ne l’avons utilisé que pour les gros plans fixes pour éviter tout problème de pompage.

Le matériel électrique venait de chez Transpalux. J’ai travaillé avec des Kino Flo, mes éternels parapluies blancs (leur forme donne une lumière diffuse et dégradée, moins plate que celle rendue par les polystyrènes) et, de temps en temps des projecteurs " classiques " dont j’ai enlevé la lentille pour obtenir des ombres dures. Ma bataille a été une bataille contre les murs blancs. Nous avons travaillé en décor naturel dans des immeubles en démolition en banlieue parisienne.

Je suis parti sur une image contrastée, comme une gravure au fusain. J’ai fait des essais en laboratoire, avec quelques petits problèmes vite résolus. C’est un choc culturel aujourd’hui pour les laboratoires de travailler en noir et blanc. Du noir et blanc, j’ai une certaine expérience, j’ose rappeler que j’ai débuté ma carrière dans un laboratoire de recherche sur les pellicules cinématographiques.
Mais après certains ajustements et avec le soutien de l’étalonneur et des directeurs techniques du laboratoire Digimage, nous avons obtenu le noir et blanc recherché, charbon, épais, une sorte d’estampe noire et foncée mais avec des brillances et des dégradés. Pour quelques plans, j’ai poussé le développement de la pellicule Double X (Kodak) pour obtenir un gamma plus élevé et une noirceur plus dense.

La méthode Garrel… Je n’ai jamais mis l’œil à la caméra. Le cadreur cadre, Philippe indique le cadre à travers son viseur, pas de retour moniteur, un cinéma sans artifices.
L’équipe est un peu différente du film précédent. J’ai pu prendre mes assistants habituels, Marie-Laure Prost, Charles Cornier.
Un cadreur exceptionnel, Jean-Paul Meurisse. Chez Garrel, la caméra est à l’épaule, même pour les plans fixes. Dans le film précédent, nous avions une caméra et des objectifs assez lourds puisque l’ensemble faisait une quarantaine de kilos ! Jean-Paul a les épaules solides. Pour ce film, une caméra " plus légère ", une Arricam Lite.
J’ai retrouvé Jean-Claude Le Bras, le chef électricien avec qui j’avais fait Sous le soleil de Satan de Pialat et Un été brûlant, le dernier film de Garrel.

J’ai fait l’étalonnage avec Jean-Louis Alba chez Digimage et avec Didier Dekeyser à la supervision du projet.
Nous avons tenu à tourner en 35 mm avec de la pellicule noir et blanc pour obtenir ces dégradés, cette force des noirs, cette information dans les blancs que l’on ne peut pas avoir en numérique de façon équivalente.
Au DCP, j’ai eu des problèmes avec les murs blancs qui claquaient un peu. Mais en fonçant les blancs on obtient du bruit sale ! J’ai donc fait marche arrière si bien que sur la copie DCP les blancs sont un peu trop forts, la copie film est, quant à elle, superbe !

Pour terminer, je voudrais parler des conditions de travail de ce film. Elles sont remarquables comparées à celles pratiquées actuellement dans la production française. C’est un film à très petit budget. Tout le monde a été payé normalement, c’est-à-dire personne en dessous du minimum syndical. Les heures de travail ont été réduites : Garrel répète énormément avec ses acteurs et ne fait, en général, qu’une prise. Il faut donc des techniciens d’expérience pour être choisis par Garrel.
Comme on fait beaucoup de plans séquence, la journée peut se terminer vers 16h, si l’on tourne de nuit, on a une journée ou deux de récupération, c’est une méthode civilisée. Je veux citer le directeur de production, Serge Catoire, qui a fait plusieurs films de Garrel et qui contrôle magnifiquement ce genre de situations.

(Propos recueillis par Isabelle Scala pour l’AFC)

Chef décorateur : Manu de Chauvigny
Monteur : Yann Dedet
Directeur de production : Serge Catoire

Portfolio

Équipe

Cadreur : Jean-Paul Meurisse
1re assistante opérateur : Marie-Laure Prost
2e assistant opérateur : Charles Cornier
Chef électricien : Jean-Claude Le Bras
Chef machiniste : André Haidant

Technique

Matériel caméra : TSF Caméra, Arricam Lite, objectifs Hawk
Pellicule : Kodak Double X
Matériel lumière : Transpalux
Laboratoire : Digimage
Etalonnage : Jean-Louis Alba
Supervision : Didier Dekeyser