La Varicam à deux vitesses

Par François Reumont pour l’AFC

La Lettre AFC n°248

Présentée en grande pompe lors du NAB 2014, et annoncée pour la fin de l’automne, la nouvelle caméra Panasonic Varicam 35mm 4K est enfin là ! Présentée par Neil Hugo, de Panasonic Japon, cette caméra est l’une des nouvelles venues qui intriguent beaucoup les opérateurs à Camerimage.

Après quelques années de développement, la firme d’Osaka revient au premier plan avec cette nouvelle caméra. C’est justement grâce à la recherche consacrée à l’architecture d’enregistrement pour le relief que cette nouvelle Varicam se démarque de la concurrence.
En effet, l’une des particularités très intéressantes est que la caméra est capable d’enregistrer les images (et le son) à la fois en 4K (AVC Intra 4K) sur cartes P2 et en même temps en HD (ProsRes ou avec intra) sur carte SD. Un choix industriel qui permet de générer directement au tournage à la fois les images " Master " et les versions HD destinées au montage, sans avoir à passer par une étape dite de labo numérique, qui prend du temps et de la main-d’œuvre. En outre, la caméra étant capable de gérer les métadonnées, on peut très facilement étalonner en direct via une console simplifiée générant des fichiers CDL, qui sont ensuite intégrés à chaque clip (en fichiers séparés, portant exactement le même nom), et qui suivent sans coup férir vers le montage (en HD) ou l’étalonnage final (en 4K). Résultat : gain de temps et surtout possibilité sans surcoût pour l’opérateur de " signer " une intention d’image à la prise de vues et éviter que son processus de création ne lui échappe en cours de route.

Autre choix de conception, le développement d’un capteur d’un nouveau genre, dont chaque pixel est en quelque sorte relié à deux circuits d’amplification différents. Il en résulte une caméra à double vitesse, (800 / 5 000 ISO) qui rompt singulièrement avec la longue tradition du gain progressif utilisé jusqu’alors par la famille des fabricants de caméra vidéo.
Suny Behar, chef opérateur américain indépendant de Panasonic et travaillant pour HBO, a testé la caméra sans aucune concession. Il explique : « Cette histoire de double sensibilité peut paraître au début un peu déstabilisante pour l’opérateur. On se demande si ce n’est pas un peu du flan imaginé par le marketing ! Mais à l’utilisation, la différence est flagrante. L’image est très propre à 800, et se détériore si on s’amuse à régler le gain pour aller jusqu’à 3 200 par exemple, et puis en choisissant la position 5 000, tout d’un coup tout redevient parfaitement propre ! C’est vraiment deux paliers nominaux, dont la source se situe à l’origine même de la fabrication de l’image, sur le capteur, et n’a rien à voir avec les systèmes d’amplification traditionnelle qui fonctionnent bien plus en aval du signal et détériorent l’image. C’est aussi un choix technique radicalement différent de celui des caméras qui reposent sur une image RAW comme la Red ou l’Alexa. Ces dernières n’ont qu’un réglage virtuel de sensibilité à la prise de vues. Les choses n’étant fixées définitivement qu’après la débayerisation, soit en postproduction après la prise de vues. Là, en quelque sorte, le choix revient entre les mains l’opérateur, et c’est bien ! »

Bien entendu, 5 000 ISO, ça peut paraître un peu fou... « C’est vrai, explique Suny, que sur des plans en extérieur nuit filmés d’hélicoptère au-dessus de Los Angeles, j’ai dû mettre un filtre neutre ND3 pour repasser à 2 500 car, autrement, les lumières nocturnes de la ville devenaient carrément surexposées. C’est un peu surréaliste de tourner de nuit avec un filtre neutre, mais il suffit de s’y habituer, quoi qu’il en soit, qui peut le plus peut le moins, et à l’utilisation, je peux vous dire qu’un filtre neutre vaut bien mieux pour l’image qu’un gain électronique qui ramène du bruit ».
En conséquence, la caméra est équipée en interne d’une tourelle de filtre ND IR 0,6, 1,2 et 1,8.

Une option sur le capteur qui semble pertinente car elle permet dans chaque mode (800 ou 5 000) d’optimiser la latitude de pose, en offrant rigoureusement 14 diaphs de dynamique, répartis uniformément (-7/+7) autour de la sensibilité nominale. En outre, la caméra propose, dans sa version finale, d’un traitement 12 bits 4:4:4 des couleurs, dans un espace colorimétrique très large (V Gamut), un peu plus large que le standard adopté par les utilisateurs de la caméra Arri Alexa.
Cette très grande richesse impose un débit impressionnant de 800 Mb/s, encaissées par les cartes P2. En termes de signal, Panasonic a abandonné son mode " Film Rec " pour lui préférer une courbe Log C, très proche de la courbe Cinéon Kodak. Enfin, niveau cadence, la Varicam 35 annonce fonctionner jusqu’à 120 images par seconde en 4K.

Comme la caméra est destinée avant tout au long métrage, Panasonic a également signé un accord avec Codex. Il en résulte un enregistreur embarqué qui se clipse à l’arrière de la caméra, et qui permet d’enregistrer le flux d’images en V-RAW 4K pour les utilisateurs les plus exigeants, et les étalonnages les plus poussés. Cet esprit de modularité est aussi décliné à l’échelle même de la caméra, puisque la tête avec le capteur peut être désolidarisée de l’enregistreur. Cette option permet d’envisager des montages plus légers, comme sur une grue ou dans une voiture pour un encombrement minimal. Également, sur l’aspect modulaire, présence d’un écran-télécommande pour l’assistant amovible du corps caméra. Présence également de prise d’alimentation 12 V pour les accessoires courants (follow focus, moteur de zooms, moniteurs externes...).
Cette modularité permet à Panasonic de proposer un corps avant muni d’un capteur 2/3 pouce, avec exactement le même enregistreur, les mêmes caractéristiques de sensibilité, et en plus un ralenti à 240 i/s. Un modèle destiné au marché documentaire, on pense notamment au film animalier, ou les longues focales sont très utilisées.

Enfin, M. Hugo insiste sur la qualité du viseur, « le meilleur au monde », assure-t-il !, avec un œilleton surdimensionné, un zoom optique, et une fonction d’assistance à la mise au point par le biais de pastilles qui grossissent qui réduisent selon si l’objet cadré est flou ou net.

Cette caméra est désormais disponible chez Panasonic France. Budget approximatif pour la caméra sans accessoire : 30 000 euros.