"La caméra mobile et le Steadicam®"

Master Class de Garrett Brown

La Lettre AFC n°295

Dans le cadre du Festival Toute la mémoire du monde, le Conservatoire des techniques de la Cinémathèque française a convié pour sa séance de mars une personnalité d’exception, Garrett Brown "himself", à venir donner une Master Class et présenter son invention, bien connue de tous, le système de stabilisation de caméra portée Steadicam.

Le 16 septembre 1974, le directeur de la photographie américain Garrett Brown dépose aux Etats-Unis un brevet d’invention pour un nouveau système de stabilisation de caméra portée : le Steadicam® (de "steady camera", caméra stable). L’appareil est composé d’un harnais maintenant le buste du cadreur ; d’un bras articulé en acier, qui se fixe sur ce harnais à la hauteur des abdominaux – ce bras, muni de puissants ressorts, est à la fois porteur et amortisseur ; d’un support de caméra, qui se fixe sur le bras et qui fait office de contrepoids. La caméra reste horizontale par gravité, la liaison entre le support et le bras amortisseur est assurée par un cardan. A l’ensemble est adjoint un moniteur qui reprend la visée reflex de la caméra et qui permet de cadrer. Il est désormais possible de déplacer la caméra en courant, en montant ou descendant un escalier, tout en gardant une parfaite stabilité d’image. Le Steadicam colle réellement à l’action qu’il filme. Il faut toutefois une certaine force physique, de très bonnes connaissances en cadrage, un long apprentissage pour devenir opérateur Steadicam. Un Steadicam® tout équipé peut peser jusqu’à 40 kg.

Garrett Brown concrétise d’un seul coup le fantasme de L’Homme-machine de La Mettrie et le Kino-Glaz et de L’homme à la caméra de Vertov. Un certain nombre de cinéastes importants ont toujours rêvé se fondre "dans" la caméra, ou avec la caméra, ne faire qu’un seul homme-caméra en quelque sorte. Le Steadicam® est l’œuvre d’un homme d’images, mais aussi d’un ingénieur. Le concept de l’appareil repose en effet sur une loi de neurophysiologie appliquée à la biomécanique : la tête de l’être humain, véritable plate-forme inertielle stabilisée, coordonne le mouvement du corps ; le cerveau apprend à repérer le centre de gravité et ordonne les bonnes positions. Le Steadicam® reproduit ce principe à la lettre.

Le Steadicam® fait ses débuts sur Bound of Glory, de Hal Ashby (1975). Le procédé arrive en France la même année, adopté par Jacques Monge, Yves Nolleau, Noël Véry. Dans Marathon Man, de John Schlesinger (1976), le Steadicam® permet de suivre pas à pas Dustin Hoffman. Dans Rocky, de John Avildsen (1976), la caméra accompagne Sylvester Stallone sur le ring ou sur les marches du musée de Philadelphie : scènes mythiques. Dans The Shining, de Stanley Kubrick (1980), l’appareil est magistralement utilisé par Garrett Brown lui-même (le labyrinthe, l’enfant sur son tricycle dans les couloirs de l’hôtel). Brian de Palma (Snake Eyes, 2001), Martin Scorsese (Les Affranchis, Casino), Terrence Malick (La Ligne rouge, 2000) s’en servent pour des plans d’une parfaite vélocité et fluidité. Récompensé par un Oscar en 1978, Garrett Brown perfectionne au fil du temps le système devenu aujourd’hui indispensable à tous les cinéastes et directeurs de la photographie en quête de « liberté de mouvement », selon l’expression de Vittorio Storaro qui l’a parfaitement assimilé dans One From the Heart (1981), de Francis Ford Coppola.
La Cinémathèque française est fière de recevoir Garrett Brown, l’homme-caméra des temps modernes.

Master Class et séances réalisées grâce au soutien de Transvideo et Aaton Digital. Tous nos remerciements à Jacques Delacoux.

"La caméra mobile et le Steadicam®"
Vendredi 15 mars à 19h30, salle Henri Langlois
Cinémathèque française
51, rue de Bercy - Paris 12e

Prochaine séance
"Le procédé VistaVision", conférence de Jean-Pierre Verscheure avec projections
Vendredi 5 avril 2019 à 14h30