"Las acacias", Caméra d’or 2011 et coup de cœur de l’AFC

Diego Poleri, ADF, filme "Las acacias" de Pablo Giorgelli

Les Acacias (Las acacias), réalisé par l’Argentin Pablo Giorgelli et photographié par son compatriote Diego Poleri, ADF, était, lors du 64e Festival de Cannes, l’un des films sélectionnés à la Semaine de la critique. Le jury de la Caméra d’or lui a décerné son prix. Il a également reçu le prix Soutien ACID/CCAS et le Prix OFAJ de la (Toute) jeune Critique.
La sortie en salles de Las acacias est prévue le 4 janvier 2012 et, une fois n’est pas coutume, c’est, en cette fin d’année, le coup de cœur de l’AFC qui le présente en projection privée.

Diego Poleri, ADF, filme Las acacias de Pablo Giorgelli
Diego Poleri est un chef opérateur né en 1978. Il a signé l’image de plusieurs longs métrages, téléfilms et documentaires argentins, dont El arbol de Gustavo Fontan (2007) pour lequel il a remporté deux distinctions à l’image dans son pays.
Récemment, il a travaillé avec les réalisateurs Luis Ortega ou Nestor Frenkel.

Las acacias est le premier long métrage de Pablo Giorgelli, lauréat de la Caméra d’or à Cannes 2011. (F. R.)


La préparation du film a commencé comme un voyage de Buenos Aires vers Asuncion, au Paraguay, à la recherche de décors pour le film. Comme le scénario se déroulait à 80 % à l’intérieur de la cabine du camion, il nous fallait repérer les routes les plus adaptées en fonction des paysages parcourus, pour déterminer les découvertes. On a roulé près de 4 800 km en cinq jours, en photographiant chaque paysage et en notant l’orientation de chaque route de façon à respecter en fonction du plan de travail le trajet le plus réaliste au cours de narration.
Le réalisateur, Pablo Giorgelli, tenait beaucoup à ce que la lumière dans la cabine soit naturelle et qu’on puisse traduire le plus fidèlement possible le temps qui passe sur ces deux journées consécutives pendant lesquelles se déroule l’histoire. Le temps est au centre d’histoire, puisque c’est lui qui permet aux trois personnages de se rencontrer...

Le défi proposé par Pablo était de hisser la caméra à hauteur de cette cabine de camion, et de littéralement coller au plus près des personnages pendant l’intégralité du voyage. Respecter à la fois leurs pauses, leurs silences en adaptant une manière de filmer la plus transparente possible.
Avec Jorge Sacristan et Diego Pascuariello, mon équipe machinerie, on a mis au point une sorte de voiture travelling de façon à accueillir le plus confortablement possible l’équipe et se permettre une certaine mobilité et rapidité sur l’installation de chaque plan. On a équipé une plate-forme de 6 m de long sur laquelle une réplique de la cabine du camion (sans la remorque) a été installée.
À l’avant, une structure me permettait d’accrocher les projecteurs ou éventuellement des cadres de gélatine selon les besoins, tandis qu’à l’arrière un barnum accueillait l’équipe autour d’un moniteur HD (un autre moniteur étant fixé sur la caméra pour les besoins du pointeur). Sur un des côtés de la cabine, une plate-forme nous permettaient d’installer la caméra selon l’angle choisi, en tenant compte de ne pas dépasser la largeur maximale autorisée sur le type de routes nationales que nous allions emprunter... Grâce à ce système, la caméra n’était pas fixée à la cabine (comme avec un système de ventouse ou de support voiture) et ça nous permettait de nous adapter très vite aux mouvements et au jeu parfois un peu imprévisible de la petite Naira (cinq mois) .


Nous avons tourné presque tout le temps les vitres fermées car le comédien principal avait des problèmes de tympans et l’air et le bruit le gênaient beaucoup. Les vitres d’origine, sur ce type de camion (Scania 111, un modèle très courant sur les routes argentines depuis les années 1980), sont teintées par une sorte de dépôt à base de fer. Pour éviter toute dominante sur les découvertes ou quand on filmait des points de vue à travers le pare-brise avant, j’ai fait changer les trois vitres par des versions neutres.

En ce qui concerne le son, il nous a fallu trouver un système de monitoring et d’intercom afin que Pablo puisse communiquer avec les acteurs depuis le barnum à l’arrière de la plate-forme. De cette manière, il pouvait non seulement parfaitement entendre les dialogues en son direct mais surtout diriger les comédiens en toute souplesse.

En terme de lumière, pour respecter la volonté de naturalisme de Pablo, on a essayé d’exploiter le plus souvent possible la lumière directe, dans les heures qui suivent le lever et qui précèdent le coucher du soleil. Pour cela, Martin Poleri, le chef électro, jouait en permanence avec des cadres de densité neutre pour s’adapter aux variations rapides de contraste au fur et à mesure des prises. En dehors de ces moments privilégiés, j’ai utilisé une batterie de HMI diffusés à travers des cadres pour avoir une base la plus douce et la plus naturelle possible sans qu’on sente les sources et ne pas voir partir les découvertes dans une surexposition trop forte.

Pour la scène de nuit à l’intérieur de la cabine, on a décidé de donner l’impression que les personnages ne seraient éclairés que par les phares des autres voitures qui venaient en sens inverse.
Pour cela, j’ai installé des Fresnel et des miroirs sur ma structure avant reliés à des dimmers afin de tricher la chose, et se caler en intensité sur les quelques lumières rémanentes de villes ou de réverbères qu’on pouvait parfois capter en arrière plan.

(Traduit de l’espagnol et mis en forme par François Reumont avec l’aide d’Alexandra Bigaignon)

Fiche technique
Camera Red one, enregistrement sur disque dur isolé et suspendu par des élastiques
Optiques Zeiss 2.1 (40 et 50 mm pour toutes les scènes dans le camion)

Coups de cœur

  • Robert Alazraki, AFC, membre du jury de la Camera d’or 2011, présentera le film à l’AFC en projection privée ;
    « J’ai pensé projeter ce film dans le cadre de l’AFC d’une part parce que je le trouve d’une grande simplicité, et en même temps d’une profonde humanité ; d’autre part je regrette la projection annuelle organisée par Kodak pour la Caméra d’or de l’année.
    Nous pouvons peut-être prendre la suite, et en tout cas, cette année, je suis fier d’avoir participé au choix de ce film, Las acacias, pour la Caméra d’or 2011 et de vous le présenter. » (Robert Alazraki)
  • Gilles Porte, AFC, membre du jury du prix Soutien ACID/CCAS, apprécie l’initiative :
    « Les Acacias avait aussi reçu le prix ACID / CCAS (j’étais membre du jury) avant même que ne lui soit décerné la Caméra d’or puisque ce prix est attribué avant la première projection cannoise.
    C’est un film intimiste, très proche des deux personnages qui se rencontrent... Pas d’effets spéciaux... Des regards, des silences, des routes, des paysages qui défilent...
    J’apprécie fortement l’initiative de l’AFC et de Robert Alazraki de projeter ce film lundi prochain et formidable l’idée d’imaginer que l’AFC " prenne la suite de projeter régulièrement la Caméra d’or dans les locaux de La fémis "...
    Il serait alors évidemment logique qu’un (ou plusieurs) partenaire(s) numérique(s), voire le Festival de Cannes " Himself ", aident à ce que la passerelle Caméra d’or / AFC / Cannes / Fémis puisse s’établir durablement. » (Gilles Porte)