Où le directeur de la photographie Frédéric Serve parle de son travail sur "Cosmodrama", de Philippe Fernandez

Formé à L’ENS Louis-Lumière (Cinéma promotion 1999) et après avoir fait ses armes à l’image en tant qu’assistant opérateur, Frédéric Serve compte à son actif une quinzaine de courts métrages. Sa carrière de directeur de la photo débute en 2008 avec Un sourire malicieux éclaire son visage, de Christelle Lheureux. Après La Fin du silence, de Roland Edzard, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2010, et venant de terminer L’Astragale, de Brigitte Sy, il a photographié Cosmodrama, de Philippe Fernandez, programmé à Cannes cette année par l’ACID. (JNF)

« Cosmodrama, de Philippe Fernandez, est présenté cette année à Cannes. Véritable survivant de conditions financières difficiles, compliquant la production et la postproduction du film, cet "ovni" a trouvé sa place dans la sélection indépendante et courageuse de l’Acid. Même si fleurissent ici ou là des descriptions de Cosmodrama comme d’un Star Trek à la française, je le décrirais plutôt comme un "Monsieur Hulot perdu dans l’odyssée de l’espace". Mais peut-être est-ce la même chose.
En effet, ce film représente pour moi la rencontre des deux exigences chez Philippe Fernandez : la précision des mouvements à l’intérieur même des cadres qui me rappelle celle de Mon oncle, de Tati, et une volonté plastique dans les décors, les accessoires, un souci du détail, une recherche de perfection… qui me rappelle celle de 2001, l’odyssée de l’espace, de Kubrick. Pourtant, la préparation même du film donne raison à cette description : un Star Trek à la française. »

De g. à d. : Frédéric Serve, Philippe Fernandez et Andréa Whittington, chef costumière, sur le tournage de "Cosmodrama" - Photo Stéphane Mary
De g. à d. : Frédéric Serve, Philippe Fernandez et Andréa Whittington, chef costumière, sur le tournage de "Cosmodrama"
Photo Stéphane Mary

« C’est Christophe Gougeon, le producteur du film, qui nous a rassemblés, Philippe Fernandez et moi. Et je profite de la parole qui m’est donnée pour le remercier et lui rendre hommage quant à ses choix et ses prises de risques en tant que producteur.
Philippe est quelqu’un d’extrêmement précis quant à son travail, avec un regard esthétique très exigeant. Lors de nos séances de préparation, nous avons tenté de trouver un vocabulaire commun, un point de départ, un "fil à tirer".
Ce fil est celui de l’histoire elle-même : des astronautes, sans doute envoyés dans l’espace au tout début des années 1970, se réveillent dans leur navette... Un film de science fiction d’hier, un film de science fiction "vintage". »

« Alors, oui, je ne peux le nier, j’ai revu tous les Star Trek (la série : William Shatner, Léonard Nimoy..., si vous voyez ce que je veux dire). Nous avons alors décidé de travailler comme si notre caméra était une caméra de studio extrêmement lourde, un genre de caméra Mitchell autoblimpée, un tank de plomb : chaque mouvement devait être à l’économie, réfléchi, comme si mettre en branle la caméra était plus complexe qu’habituellement.
Quelques zooms aussi ont parfait ce sentiment de lourdeur "vintage". Ce choix a également permis à Philippe de maîtriser chaque détail, chaque accessoire, chaque mouvement des comédiens à l’intérieur d’un cadre le plus souvent stable. »

Plan lumière
Plan lumière

« Quant à la lumière, c’est à la fois le travail de Geoffrey Unsworth pour 2001, l’odyssée de l’espace, la rigueur plastique de certains films de Tati (Mon oncle donc, mais aussi Trafic) ainsi que des choses plus picturales en référence au chemin de croix du Christ : Cosmodrama est en effet composé en de 14 tableaux qui suivent l’idée d’un chemin de croix… Mais je préférerais laisser la parole à Philippe pour cette partie-là de notre travail ! C’est du côté d’un certain contraste, avec des sources de lumière enveloppantes que je suis allé chercher l’inspiration pour ces "tableaux" essaimés dans le film. »

« J’ai également pris appui sur le décor lui-même que Paul Chapelle, le chef décorateur, Philippe Fernandez et moi avions imaginé intégrant et "justifiant" la lumière du vaisseau. Tous les décors ont été construits dans les Studios de l’Océan à La Rochelle. »

Sur un plateau des Studios de l'Océan à La Rochelle - Photo Dominique Jullian
Sur un plateau des Studios de l’Océan à La Rochelle
Photo Dominique Jullian

Le travail de postproduction a été en grande partie supervisé par Philippe Fernandez lui-même – je pense aux effets spéciaux et aux "nettoyages" de diverses imperfections dues à la fragilité de la matière première utilisée pour les décors : du polystyrène. L’étalonneur du film est Yov Moor avec qui j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler. »

« Nous avons tourné avec une caméra Arri Alexa, des objectifs Zeiss et avec une équipe venant exclusivement de la région Poitou-Charentes. D’abord pour des raisons de production mais aussi parce que je vois dans ces obligations contractuelles des belles occasions de rencontres : je citerai notamment Jean-Baptiste Gaillot, premier assistant caméra, et Julien Brumauld, chef électricien, sans oublier tous les autres ! »

(Propos recueillis par Jean-Noël Ferragut, AFC)

Dans le portfolio ci-dessous, trois photogrammes issus de Cosmadrama.