Le zootrope de "Pif Gadget" et Luc Besson

Par Ariane Damain Vergallo, pour Ernst Leitz Wetzlar

par Ernst Leitz Wetzlar La Lettre AFC n°269

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Après 26 ans de collaboration ininterrompue, Thierry Arbogast, AFC, le directeur de la photographie de Luc Besson, se devait de le surprendre encore – les vieux couples doivent se réinventer sans cesse – ce qui fut fait lors des essais de choix de matériel pour le film Valerian.
Thierry Arbogast - Photo Ariane Damain Vergallo - Leica M, adaptateur M-PL, Summicron-C 100 mm
Thierry Arbogast
Photo Ariane Damain Vergallo - Leica M, adaptateur M-PL, Summicron-C 100 mm

Valerian est le dernier opus de notre "Tycoon" français et accessoirement le film le plus cher et le plus attendu du cinéma européen, aussi la question du choix des caméras et des optiques était centrale. Un des plateaux de La Cité du Cinéma fut réquisitionné pendant trois jours et, entre autres essais, une scène du film tournée quasi à l’identique.
En studio, sur fond vert – nous sommes dans le désert, une image 4K y sera incrustée – du sable couvre le sol du plateau et une jeep freine brusquement devant la caméra en contre plongée en faisant se soulever poussière et fumée tandis que trois étudiants de l’Ecole Louis-Lumière toute proche en surgissent pour s’avancer en gros plan. Luc Besson a demandé « un soleil zénithal sans ombres », une quadrature du cercle que Thierry Arbogast a résolu avec neuf Space Lights calqués et juponnés de noir et des sources en réflexion sur de grands velums autour du plateau.

Valerian représentait un tel enjeu que Thierry Arbogast a décidé de tester absolument tout, toutes les caméras existantes y compris une caméra 70 mm argentique, toutes les optiques sphériques et anamorphiques existantes, sans jugement à priori, sans aucune restriction puisque tout était possible au niveau du budget, avec une seule logique : « Que le meilleur gagne ! »

A l’issue de la projection 4K, il fut décidé de tourner avec l’Alexa traditionnelle plutôt que la 65 – le département d’effets spéciaux jugeait inadaptée une postproduction en 8K – la qualité de l’image Scope obtenue, alliée à une légèreté évidente de tournage l’ont alors emporté et le Super 35 a été une fois de plus choisi.

Il ne restait plus alors en lice que deux séries d’objectifs sphériques ; les Master Primes de Zeiss et les Summilux-C de Leica. Un combat de géants. Il faut revenir un peu en arrière pour comprendre ce qui a motivé le choix final des Summilux-C de Leica, en une cascade d’évènements sans lien apparent qui pourtant tous le ramènent vers ce goût immodéré de l’image.

Nogent-le-Rotrou, Thierry Arbogast a 12-13 ans et l’école, ce n’est pas du tout son truc. Il trouve par hasard un appareil photo Kodak 4x4 et commence à tirer le portrait de ses copains d’école en noir et blanc, ce qui lui vaut sans doute la notoriété que l’école ne lui apportait pas. Au cinéma, il découvre Il était une fois dans l’Ouest, d’Ennio Morricone, c’est la révélation, son film préféré.
Vers 15 ans, sa situation scolaire ne s’étant guère améliorée, ses parents, désespérés, l’envoient en Martinique pendant deux ans auprès d’une tante censée le ramener dans le droit chemin. Las, il tourne en Super 8 et s’émerveille de la lumière. De retour en Métropole, il ajoute une lentille anamorphique sur sa caméra Super 8 – ça fait un format totalement inédit de 2,66 (2 fois 1,33) ! – et tourne sans cesse. Il n’arrêtera plus.
Son cheminement de la photo vers le cinéma, il y revient toujours. Encore aujourd’hui, l’amour de l’image animée rejoint son amour du portrait photo dans une quête permanente de la belle image.
Et dire que tout cela a commencé avec un zootrope proposé par le journal Pif Gadget dans les années 1970 !

Zootrope en couverture de "Pif Gadget" n° 519
Zootrope en couverture de "Pif Gadget" n° 519

Après le tournage de Valerian, à propos des Leica Summilux-C de CW Sonderoptic il a des mots inédits : « Il faut qu’une optique dégage du charme et ces optiques ont un charme qui me plaît. J’aime une image "picturale", une trame, une toile, quelque chose de spécial… La légèreté, la mécanique, les flares, le rendu, la précision, tout me plaît dans ces objectifs-là. »
Et quand nous évoquons tel projet de Leica qui semble répondre à ses propres préoccupations, il exulte : « C’est comme si Leica m’avait demandé mon avis ! »