Les Archives d’Ingmar Bergman

Un livre pour embrasser l’œuvre d’une vie, par Isabelle Regnier

La Lettre AFC n°182

Le Monde, 4 novembre 2008

Près de 600 pages, 6,2 kg et 150 euros. La fabuleuse somme que viennent de publier les éditions Taschen sur Ingmar Bergman, en librairie le 3 novembre, est un monument à la mesure de l’œuvre qu’elle embrasse.
Edité dans un format rectangulaire bleu débordant largement les mesures des rayonnages d’une bibliothèque normale - celui-là même que Taschen inaugura il y a trois ans pour présenter, en rouge, les archives de Stanley Kubrick -, Les Archives d’Ingmar Bergman offrent une spectaculaire plongée dans un parcours cinématographique, théâtral et humain.

Constitué à partir des archives personnelles de Bergman et de celles de diverses institutions, l’ouvrage a été élaboré par Paul Duncan et Bengt Wanselius du vivant du cinéaste, et avec sa collaboration. Magnifiquement préfacé par Erland Josephson, l’un des acteurs fétiches du cinéaste, il se présente comme une gigantesque frise de textes et de photographies, qui scinde sa vie en sept périodes autour des six films pivots que sont Jeux d’été (1951), Le Septième sceau (1957), A travers le miroir (1961), Toutes ses femmes (1964), L’Œuf du serpent (1977) et Après la répétition (1984).
Les films sont au centre, chacun d’eux faisant l’objet d’une section spécifique largement illustrée. Toutes sont constituées d’un récit autour de la genèse, de la fabrication et de la réception de l’oeuvre, conçu comme un collage de morceaux de textes ponctionnés dans les écrits ou interviews de Bergman et dans ceux d’une large palette d’auteurs qui ont écrit sur son travail, de Peter Cowie à Birgitta Steene en passant par Jean-Luc Godard, Olivier Assayas ou même le magazine Playboy.

Le cas échéant, les films sont accompagnés de textes spécifiques et restitués in extenso, dont beaucoup sont encore inédits hors de Suède. Une lettre délicieusement piquante de Bergman à ses actrices Eva Dahlbeck et Harriet Andersson, commandée par le magazine suédois Folket i Bild, enrichit ainsi l’histoire de Sourires d’une nuit d’été (1955) ; un journal de bord tenu auprès de Bergman entre juin 1961 et mai 1963 par le réalisateur Vilgot Sjöman apporte un nouvel éclairage sur le film Les Communiants (1963) ; un long témoignage extrait d’un séminaire avec l’actrice suédoise Bibi Andersson permet d’approfondir l’expérience Persona (1966)...
A la fin de chaque chapitre, une chronologie de la vie de Bergman mêlant les épisodes de sa vie privée avec des commentaires sur son travail au théâtre est reconstituée suivant le même principe.
(Isabelle Regnier, Le Monde, 4 novembre 2008)