Les Baigneuses

Ce titre indique que la référence à Cézanne ne doit pas être loin, en passant par "Les Demoiselles d’Avignon" bien sûr. Cette histoire se passe dans un peep-show.
Le scénario de Viviane Candas est un portrait de groupe dans un lieu clos. Dans ce labyrinthe du désir des hommes, qui voient, sans être vus, des corps de femmes dans des miroirs que les reflets multiplient à l’infini.

Le peep-show se révèle un lieu cinématographique par excellence.
Les repérages dans cet univers méconnu me laissent impressionné par la persistance d’images de kaléidoscope proche du Praxinoscope, cet ancêtre de notre passion. La piste tournante où se produisent les "mannequins de spectacle vivant" (définition des Assedic du spectacle) ressemble au Praxinoscope.
Les reflets parfois déformés des corps multipliés dans les miroirs rappellent "Les Demoiselles..." de Picasso. La difficulté majeure était d’éviter l’image du film pornographique, ce piège lié aux préjugés qu’inspirent les lieux.

Nous avons aussi voulu tirer parti du système de vidéo-surveillance et du hors champ qu’il suscite.
« L’idée de départ est qu’une caméra de surveillance se libère de sa fonction, et devienne un regard. Elle s’introduit dans la loge des filles, glisse sur les corps nus, poursuit les ombres des clients dans les basses lumières des couloirs » (de la déclaration d’intention de Viviane Candas).
Il est rare qu’un scénario nous donne autant de références créatives et picturales pour "imaginer" un film.
Je prévoyais déjà le travail sur la pellicule à la prise de vues : des effets optiques, des effets de lumière, des mouvements de caméra à la Sergei Urusevsky... Tous les vrais trucs de cinéma comme je les aime.
Etre environné de miroirs m’angoissait un peu, mais la recherche de solutions est toujours créative.
Et puis de producteurs frileux en producteurs abandonnant, nous sommes passés du 35 mm aux extérieurs en 35 mm et intérieurs studio en Super 16, puis tout en Super 16, puis tout en Beta et pour finir, tout en DV Cam dans un décor naturel généreusement prêté par le propriétaire du peep-show.
De l’influence de l’économie sur la création...

Après trois ans de préparation, ce sera un autre film. Et pourtant, après avoir bien râlé, je dois reconnaître que nous avons retrouvé une cohérence grâce à une équipe formidable et à Gemini - Pirate.
Le scénario de Viviane devait être solide, il a résisté à tout ça et elle aussi.
Le film existe, je suis fier d’y avoir participé et impatient d’avoir votre avis. Mais quand même, ça pose des questions. »