Les Plages d’Agnès

Paru le La Lettre AFC n°182 Autres formats

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Je ne m’étalerai pas trop sur le fait que de travailler avec Agnès Varda fut un réel plaisir, c’est évident Nous nous étions déjà " croisées au téléphone " lors de son film encore à l’état de projet Les Glaneurs et la glaneuse.
Sa première question était de savoir si cela ne me dérangerait pas de participer à un film qui avait déjà était tourné par d’autres opérateurs, (extraits de ses films précédents, plans tournés en Belgique par elle-même et par d’autres collaborateurs, puis également par son assistante, ainsi que par une opératrice américaine pour la partie à Los Angeles).

En passant de la forme de reportage, où nous étions cinq au total – comme lors de l’exposition en Avignon, ou avec sa famille à Noirmoutier –, à une équipe beaucoup plus conséquente, lorsque nous avons reconstitué en studio la cour de sa maison, en récréant principalement des effets jours.
Agnès est très expérimentée pour la notion du cadre, et du rendu des lumières, et son exigence pousse à être tous les jours " au mieux de sa forme ", ce qui me plaisait bien. Comme elle devait être à l’image presque sur chaque plan, une connivence entre nous était obligatoire. Le rendu de la lumière qu’elle souhaitait devait être basé sur " de l’ombre éclairée ", selon son expression, c’est-à-dire que le plan doit être lumineux, les sources fortes ne sont pas en direct, mais en réflexion sur des toiles blanches ou sur des murs, puis diffusées avant de " tomber sur " ce que l’on filme, un décor ou un personnage, elle par conséquence dans ce cas précis. Un éventuel petit contre jour pour " égayer tout cela ", et le concept était adopté.
Des rétroprojections, des fonds bleus, des surimpressions, des tonnes de sable déversées dans sa rue, afin de créer un bout de plage parisienne devant sa porte. Des plans tournés d’un Zodiac ou d’un pont pour la filmer elle, naviguant avec un bateau à voile sur la Seine, entre les nombreux bateaux-mouches – qui devaient rester hors champ bien évidemment –, la reconstitution de son enfance à Sète et ses débuts dans la vie professionnelle..., etc.

Agnès, malgré son âge avancé maintenant, est d’une précision et d’une mémoire vraiment incroyables, elle sait ce qu’elle apprécie et ce qu’elle n’apprécie pas dans les plans, et cherche constamment à comment faire au mieux dans la fabrication du plan, et tant qu’elle n’a pas trouvé, « on cherche » encore et encore. Au début, (comme nous avions commencé par filmer les scènes plutôt dites de reportage), elle me disait que mes cadres étaient trop larges, un peu trop distants vis-à-vis d’elle. Elle souhaitait que je sois plus avec elle, dans sa pensée, qui se traduit par la volonté que les cadres soient plus serrés.

L’étalonnage en numérique a été une période plus délicate pour Agnès, avoir cette impression qu’elle repart de rien, que « l’on refait tout de zéro ». Avec un mélange d’images tournées sur des supports tous différents, des plans faits par elle-même également, en mode entrelacé et non progressif, où il a fallu faire effacer au mieux la trame. Une sortie en HD pour Venise, puis finalement l’étape du kinescopage.

Technique

Caméra : Panasonic 400 de chez Panavision Alga Techno
Matériel électrique : Transpalux
Postproduction : Mikros Image, Digimage, Eclair.