Les Saisons

Seasons
Fin 2012, Olli Barbé m’a appelé pour me parler du nouveau projet de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, Les Saisons. Jacques Perrin, que je connaissais comme producteur d’Himalaya, souhaita alors me rencontrer. Luc Drion avait commencé la préparation de ce film depuis plusieurs mois, et sa disparition soudaine durant le tournage de Belle et Sébastien, au-delà de la tristesse d’avoir perdu un ami proche pour toute l’équipe de Galatée (ce film lui est dédié au générique), posait la question de comment continuer.

Nous avons continué cette approche méticuleuse que Luc avait mise en place.
Comme sur chaque film de Jacques Perrin, l’ambition est là, palpable dans l’écriture, l’envie de toujours construire quelque chose de nouveau, de ne pas aller dans les sentiers battus, d’expérimenter des outils et des techniques qui apporteront le souffle épique.
Luc avait fait beaucoup d’essais comparatifs 35 mm / numérique afin que les deux réalisateurs puissent établir un rapport nouveau avec ce support. Restait à définir quelle caméra choisir, comment l’équiper d’optiques adéquates, et quel serait le cheminement de la fabrication des images.

Ce fut un choix difficile pour dépasser le cadre purement subjectif du rendu des images afin de s’appuyer sur des résultats qui anticipaient de trois ans la sortie du film.
Comme ce serait long et fastidieux de vous décrire toutes les étapes de nos essais, j’ai donc essayé de réduire à quelques questions qui s’imposaient et qui nous ont guidés dans nos choix. Contrairement au support film, la question de la stroboscopie était primordiale. C’était donc un paramètre important.
Tourner dans la forêt parfois sans lumière demande une caméra avec un espace couleur large et stable en sous-exposition et en surexposition. La forêt, par sa richesse des verts et leur complexité de nuances, était, là aussi, un nouveau challenge.
La volonté très forte de respecter parfaitement les couleurs des animaux. Sur ce point, aller filmer un lynx en forêt sans lumière est un bel exercice sur la réflexion du vert dans le pelage…

Nos deux réalisateurs ne souhaitaient pas de grands ralentis, ce qui nous permettait d’utiliser quasiment toutes les caméras. Enfin, penser la définition du film, trois ans avant sa sortie, mais surtout une exploitation installée pour plusieurs années et des rushes qui deviendraient pour certains des documents inestimables.
Il ne s’agit pas ici de juger les qualités ou les défauts des caméras numériques fin 2012. Il est clair que dans nos essais, si l’Aaton Penelope avait pu exister en termes industriels, elle aurait fait partie de notre arsenal de prise de vues.
Pour faire court, nos essais nous ont conduits à travailler avec la Sony F65, quelques utilisations en vol de la F55 (version Xavc car le module Raw était trop lourd à l’époque…) et une prise de vues particulière sous de vrais orages avec une Alexa M. 
En 2015, quand on voit l’arrivée de l’Alexa Mini ou de la Canon à haute sensibilité, on se dit que le prochain projet de Jacques Perrin conduira certainement à tout recommencer.

La deuxième question, et non des moindres, fut le choix des optiques. Contrairement aux films dits "animaliers", Jacques et Jacques souhaitaient une proximité avec les animaux. De ce point de vue d’ailleurs, il n’y avait pas vraiment d’optiques de très très longues focales ayant été fabriquées pour les caméras numériques grand capteur.
Cette volonté de proximité nous a donc aidé à ne pas essayer les zooms dits Broadcast ayant des rapports de focales très importants.
Pour en revenir aux optiques, il était nécessaire d’obtenir une cohésion avec les différents tournages, mais aussi une disponibilité des optiques en fonctions de tournages prévisibles mais dont certains étaient aussi imprévisibles.

De mon côté, même si le choix du 4K s’est imposé, je souhaitais avant tout une image en rondeur, car cela peut paraître étrange à lire mais il est très difficile de rendre soyeuses les textures animales, poils, plumes, pelages qui demandent, pour être respectées, beaucoup de soin à l’étalonnage.
Pour ces multiples raisons, nous avons choisi les zooms d’Angénieux, et la production, devant l’ampleur du projet, a choisi la voie du partenariat avec cette société et heureusement pour nous au vu des disponibilités qui étaient nécessaires.
Enfin, les équipes de Panavision, emmenées par Olivier Affre et Patrick Leplat, ont su fournir jusqu’à six Sony F65 et tout un arsenal de matériel simultanément avec un suivi et une belle collaboration avec Galatée et les équipes de tournages.

La deuxième partie de mon travail fut de définir avec Olli Barbé le workflow et le traitement des images. Gérer le Raw 4K natif, la débayerisation et la gestion du "data management", et bien sûr la gestion des rushes pour le montage. Si nous étions partis sur 300 heures de rushes, nous avons atteint les 500 heures.
HD-Systems, Nicolas Pollacchi et Olivier Garcia étaient déjà dans la boucle lorsque j’ai recommencé les essais. C’est donc naturellement que nous avons continué.
François Paturel, qui avait participé aux premiers essais, s’est occupé de former les "data managers" à la gestion des flux de tournage (50’ pour un Teraoctet) et a occupé le poste de DIT sur les tournages permettant une installation de son poste de travail sur le plateau.

HD-Systems a développé des outils transportables partout à la fois et dans toutes les conditions climatiques pour les "data managers" et le poste DIT. Pour harmoniser les rushes, Olivier a créé trois LUTs à appliquer par les opérateurs suivant les situations.
Pour ces LUTs, nous avons décidé d’avoir des rushes ni trop contrastes, ni trop saturés en couleur. Les LUTs ont parfaitement fonctionné, même si pour certains opérateurs le résultat à l’image leur paraissait toujours un peu plat à leur goût.
Ce choix de réglages nous a en cas bien aidé à la vision des rushes, pour déceler parfois des défauts inévitables dans le contexte de ces prises de vues hautement compliquées à réaliser.

A partir d’un dépouillement précis des scènes et du terrain de jeu des animaux, nous savions qu’il y aurait plusieurs équipes, avec des chefs opérateurs ayant des qualités de terrain différentes, voire hyper spécialisées, et des moyens techniques variés, adaptés à chaque situation.
C’est ainsi que les équipes se constituaient des chefs opérateurs Stéphane Aupetit, Michel Benjamin, Jérôme Bouvier, Laurent Charbonnier, Philippe Garguil, Laurent Fleutot, Sylvain Maillard, Christophe Pottier, Jan Walencik.

Mon deuxième travail consista en l’étalonnage général du film. Une fois le montage image terminé, avec Laurent Desbruères, fidèle complice de Galatée depuis Le Peuple migrateur, nous avons en une semaine posé les couleurs du film et permis ainsi aux deux réalisateurs d’avoir une vision plus large de la continuité et de la texture à la fois des animaux, de la végétation et des saisons. Si cela peut paraître luxueux à la lecture de ce texte, cette "pose des couleurs" nous a fait gagner un temps considérable plus tard et permis à chacun de se poser toutes les questions sur la nature de l’image.
Après les finitions, nous avons repris et donc étalonné sur plusieurs semaines. Ce fut un travail formidable, Laurent allant chercher des matières et des contrastes dans l’ensemble de la palette des couleurs et des demi-teintes qu’offrait la F65.

Ce fut un réel plaisir de travailler dans cette belle maison Galatée. Jacques Perrin est un chercheur hors pair, je m’amuse à dire que sa philosophie est un "work in progress" permanent qui pousse chacun à aller au-delà de ses simples connaissances et expériences professionnelles. Jacques Cluzaud est aussi un réalisateur précis, exigeant pour lui-même et pour la réussite d’une scène, d’une humeur égale et respectueuse de tous les techniciens qui l’entourent.
Je crois sans me tromper que toutes les équipes qui ont travaillé sur ce projet garderont un très beau souvenir d’une belle aventure humaine.

Bon film !

Les Saisons
Réalisateurs : Jacques Perrin et Jacques Cluzaud
Producteur, directeur des productions : Olli Barbé
Directeur de production : Johann Mousseau
Assistants réalisateurs : Martin Blum, Vincent Steiger
Régisseur général des productions : Dimitri Billecocq
Superviseur des effets visuels : Christian Guillon
Chef opérateur du son : Philippe Barbeau
Monteur : Vincent Schmitt
Directrice de postproduction : Sophie Vermersch

Équipe

Opérateurs Steadicam : Antoine Struyf, Stéphane Chollet
1ers assistants caméra : Edna Roelofse, Mathieu Lamand
2e assistante caméra : Emma Chenet
DIT : François Paturel
Chefs machinistes : Sylvain Bardoux, Edgar Raclot
Chefs électriciens : Stéphane Assié, Olivier Barré, Christian Vicq
Concepteur scooter électrique : Alexander Bugel

Technique

Matériel caméra : Panavision Alga (caméras Sony F65, F55, Arri Alexa M, optiques zooms Angénieux Optimo 24-290, Angénieux 28-340, 45-120, 15-40 et 28-76 mm)
Rushes et conformation : HD-Systems
Etalonnage et finitions : Digimage
Etalonneur : Laurent Desbruères
Machinerie : TSF Grip
Lumière : PanaluxEmit