"Les frères Dardenne veulent une refonte du tax shelter"

Par Jean-François Sacré

La Lettre AFC n°239

L’Echo (Belgique), 3 janvier 2014
Les frères Dardenne et les professionnels du cinéma mettent la pression pour une réforme du tax shelter. Faute de refonte en profondeur avant la fin de la législature, c’est tout le système qui risque de s’effondrer.

Suite aux articles parus récemment dans L’Echo sur les dérives autour du tax shelter (des intermédiaires auraient mis au point un système pyramidal permettant de rémunérer les investisseurs en cascade via un système de filiales facturant des services fictifs privant ainsi les producteurs de l’argent levé) les professionnels montent au créneau. Dans un communiqué, les membres de l’Union des Producteurs de Films Francophones (UPFF) et de leur équivalent flamand ainsi que plusieurs cinéastes d’envergure (Luc et Jean-Pierre Dardenne, Jaco Van Dormael, Joachim Lafosse, Marion Hänsel Frédéric Fonteyne) et Casa Kafka (structure intermédiaire de levée de fond, filiale à 100 % de la RTBF) pressent le gouvernement de revoir le système du tax shelter en profondeur pour éviter les dites dérives.

Ils rappellent qu’ils ont présenté au gouvernement un projet de réforme permettant d’assainir le système. Ce projet propose de substituer au système actuel un mécanisme de " certificat tax shelter " permettant de mieux baliser le rendement offert aux investisseurs, tout en le maintenant à un niveau intéressant. En outre, il simplifie la procédure d’investissement et allégé considérablement le volume de trésorerie à sortir par l’investisseur.
Le projet des producteurs prévoit aussi un meilleur contrôle des sociétés leveuses de fonds grâce à la mise en place d’un système d’agrément. « Ce système de certificat remet l’ensemble des films sur un pied d’égalité face aux investisseurs, permettant de mieux garantir la diversité culturelle et d’assurer le dynamisme de la production d’initiative belge, qui constitue le cœur non-délocalisable de notre économie audiovisuelle », commentent les signataires. « Il amène plus d’argent dans la production des films à proprement parler, sans aucun impact négatif pour le budget de l’Etat, et garantit le maintien d’un niveau d’investissement suffisant pour assurer la bonne santé du secteur », ajoutent-ils.

Selon eux ce projet conserve les éléments intéressants mis en place lors de la mini-réforme de juillet dernier garantissant le caractère structurant des dépenses, à savoir que 70 % des fonds levés aillent directement dans la production. « Mais il va nettement plus loin et permet de résoudre, au-delà de cet aspect spécifique, l’ensemble de la problématique de surenchère des rendements et de gonflement des dépenses qui pervertissent aujourd’hui le système », précisent les signataires.

Ce projet est soutenu par la majorité des professionnels, toutes catégories confondues, les fonds de soutien régionaux et communautaires cinéma (Centre du Cinéma, Bruxellimage-Wallimage…). « Les seuls opposants au projet sont les opérateurs responsables des dérives qui prônent, en direct et via les associations qu’ils ont créées pour les représenter, le statu quo », lancent les partisans de la réforme. Rappelons que ces derniers estiment que le certificat tax shelter serait une « catastrophe pour l’industrie » car il n’y aurait plus aucun retour sur investissement en cas de succès du film. D’après eux, près de 80 % des investisseurs cesseront de recourir au tax shelter si on limite son rendement

Les partisans de la réforme mettent donc la pression sur le gouvernement pour qu’elle aboutisse avant la fin de cette législature. Faut de qui, disent-ils, toute la dynamique que le tax shelter avait permis de créer depuis son lancement en 2003 s’effondrera.

(Jean-François Sacré, L’Echo, vendredi 3 janvier 2014)