Lettre ouverte à l’Association des Producteurs de Cinéma

par Les Monteurs Associés

La Lettre AFC n°166

Dans une lettre ouverte aux salariés de la production cinématographique, vous présentez votre projet de nouvelle convention collective comme un progrès social majeur.
La lecture que nous en faisons est tout à fait différente.

Notre métier de monteur y est particulièrement malmené, voire mis en danger. Nous avons découvert avec stupeur l’apparition d’un nouvelle fonction : monteur film (image et son). Il ne saurait être question pour nous d’accepter une telle sous qualification. Nous rappelons qu’une équipe de montage est constituée d’un chef monteur, d’un assistant monteur, et d’un assistant monteur adjoint (l’ex-stagiaire). Pourquoi créer un nouveau poste, si ce n’est pour organiser le démantèlement de l’équipe ?
Nous ne pouvons pas non plus accepter le contenu de la parenthèse (image et son) : la notion de monteur " image " ne correspond à aucune réalité de nos pratiques, personne ne monte de films muets. Au contraire, le son constitue un élément primordial pour les prises de décisions et les choix artistiques que nous devons faire pour construire un film.

La responsabilité technique et artistique du chef monteur s’étend sur tout le processus de finition du film, jusqu’à la copie 0, c’est-à-dire notamment sur l’ensemble des opérations nécessaires à l’élaboration de la bande sonore finale : bruitage, postsynchro, montage son, musiques, mixage. Il n’y a aucune légitimité à limiter son rôle à la seule " image ".
Vous dites que le projet de nouvelle convention collective ne réduit pas, voire augmente le pouvoir d’achat. Cette affirmation est contraire à la vérité. En effet, la grille dite " socle " étant inférieure de 30 % à la grille " majorée " qui est la seule que vous ayez communiquée, un simple calcul en prenant cette dernière comme référence fait apparaître des baisses substantielles. Ainsi, pour une semaine de 39h :
- 1er assistant monteur : 630 euros au lieu de 885,21 dans le barème du 1er juillet 2006.
- Monteur : 665 euros. Cette fonction inventée de toutes pièces permettrait d’embaucher un monteur pour moins cher qu’un assistant au tarif actuel !
- Chef monteur : 1 050 euros au lieu de 1 299,10 dans le barème du 1er juillet 2006.
Soit une baisse d’environ 20 % pour les chefs et près de 30 % pour les assistants.
Vous appelez ça un plancher, il s’agit plutôt d’un sous-sol.

D’autres dispositions du projet nous inquiètent tout autant :
- La catégorisation des films documentaires dans une annexe séparée est totalement artificielle. Les longs métrages documentaires ont vocation à être exploités commercialement et ne sauraient constituer une catégorie à part. Leur fabrication requiert les mêmes techniciens et les mêmes compétences que les fictions. Ils ne doivent pas devenir une sous catégorie, en particulier pour les monteurs qui ont une part très importante dans l’élaboration du récit.
- La limitation de l’exercice de la grève soumis à la décision d’une Commission Sociale Paritaire est une remise en cause sans précédent d’un droit individuel garanti par la Constitution.
- La mise à disposition du salarié vis-à-vis de son producteur au terme de son contrat est un dispositif abusif.
- Seul le 1er mai serait un jour chômé et payé, alors que la convention collective de l’audiovisuel en prévoit 6 autres : 1er janvier, 14 juillet, 15 août, 1er novembre, 11 novembre, 25 décembre à condition que ces journées tombent entre deux jours travaillés pour un contrat de travail d’au moins deux semaines.
Nous pensons que l’ensemble de ce projet est à revoir et qu’il constitue une nette régression.
Nous prenons bonne note de votre déclaration de disponibilité pour recevoir chacun et demandons à être entendus par les producteurs de l’APC avant la réunion de la commission mixte paritaire du 30 mai.

Pour Les Monteurs Associés, les présidents Anita Perez, Axelle Malavieille, Jean-Pierre Bloc, Paris, 23 mai 2007