Louis Ducos du Hauron (1837-1920) : inventeur oublié de la photographie couleur

Par Jean-Paul Gandolfo

La Lettre AFC n°287

A juste titre, Louis Ducos du Hauron peut être considéré comme le précurseur des procédés modernes de photographie couleur. L’histoire a retenu la séance du 7 mai 1869 organisée à la Société française de photographie durant laquelle un pli cacheté de l’inventeur est ouvert et présenté aux sociétaires. Auparavant, seul le physicien écossais James Clerk Maxwell était parvenu, en 1861, à recomposer une scène colorée en réalisant une projection trichrome de plaques photographiques.

En joignant des épreuves à son mémoire, Ducos du Hauron apporte la preuve formelle de la validité de ses démonstrations. Sur un plan théorique, il apporte également des pistes innovantes comme celle des procédés additifs à réseaux colorés qui sera exploitée au début du siècle suivant par les frères Lumière pour l’élaboration de leur plaque autochrome.
Ses propositions rendent possible la réalisation d’épreuves sur papier. Conscient des possibilités offertes par l’imprimerie, l’inventeur abandonnera progressivement les techniques purement photographiques pour adapter plusieurs procédés d’impression aux contraintes de la trichromie. Ce sera le début d’une série d’associations ou de collaborations marquées du sceau de la malchance : défections, rivalités, problèmes de trésorerie et incendies jalonnent cette période difficile qui ne lui permettra pas de tirer un profit légitime des innovations qu’il propose.

Par ailleurs, la piste trichrome qui s’imposera au siècle suivant ne fait pas l’unanimité parmi la communauté scientifique. Ses détracteurs lui reprochent son incapacité à restituer la pureté des couleurs spectrales héritées de Newton et que le physicien Gabriel Lippmann parviendra à fixer avec son procédé interférentiel divulgué en 1891. Ce débat va diviser durablement la communauté des physiciens durant la seconde moitié du XIXe siècle avant que les propositions formulées par Louis Ducos du Hauron finissent par s’imposer.

Des épreuves expérimentales provenant de plusieurs collections publiques ont été analysées avec le concours du laboratoire Synchrotron de Grenoble (ESRF, European Synchrotron Radiation Facility). L’objectif de cette étude était de mieux comprendre les méthodes utilisées par l’inventeur et de participer à l’élaboration de recommandations en matière de conservation préventive et de restauration. Une équipe pluridisciplinaire regroupant l’ESRF, le CNRS, le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière (ENSLL), Sorbonne Universités, Chimie Paris Tech, l’atelier de restauration Paris-Normandie et le Musée d’Orsay a publié les premiers résultats de cette étude dans la revue Angewandte Chemie.

L’article peut être téléchargé sur le site de la revue.

Jean-Paul Gandolfo, enseignant à l’École nationale supérieure Louis-Lumière, Spécialité Photographie - Laboratoire argentique NB / Procédés alternatifs / Conservation des images -, est l’un des auteurs ayant participé à l’étude.

Dans le portfolio ci-dessous, deux épreuves réalisées à partir de couches de gélatine pigmentée : jaune, bleu et rouge. L’une est collée sur un support opaque (la masure), le coq est semi-transparent (diaphanie).