"Monteurs, mixeurs et bruiteurs en grève avant le Festival de Cannes"

Par Clarisse Fabre

La Lettre AFC n°286

Le Monde, 10 avril 2018
C’est l’autre grève, inattendue, invisible du public, mais qui pourrait donner quelques sueurs froides aux producteurs de cinéma, à un mois du Festival de Cannes (du 8 au 19 mai). Des monteurs, des monteurs son, des bruiteurs et des mixeurs ont décidé de faire grève, du 10 au 12 avril, pour dénoncer l’évolution de leurs conditions de travail.

Ces professionnels de la postproduction, qui interviennent après le tournage, dans l’ombre, veulent faire valoir leur rôle dans le processus de fabrication d’un film, alors que les délocalisations du montage son, du bruitage et du mixage, tout particulièrement vers la Belgique, menacent tout un pan de l’industrie française du cinéma.

La postprod' son en grève, devant la Maison des métallos - Source photo AFSI
La postprod’ son en grève, devant la Maison des métallos
Source photo AFSI

La mobilisation est soutenue par l’Association des artistes bruiteurs (ADAB), l’Association des mixeurs (ADM), l’Association française du son à l’image (AFSI) et Les Monteurs associés (LMA), tandis qu’une assemblée générale est prévue mardi 10 avril à la Maison des Métallos, à Paris.
« La grève ne s’est pas déclenchée du jour au lendemain, elle a fini par s’imposer », explique Didier Lesage, président de l’Association des mixeurs. « Cela fait deux ans que nous alertons les syndicats de producteurs que sont l’UPC, le SPI et l’API. On le sait, il y a moins d’argent dans le cinéma. Mais les métiers de la postproduction, qui ont toujours été moins organisés, sont aujourd’hui particulièrement fragiles. »

Négociation délicate
Chacun de ces métiers a une histoire spécifique. Les revendications des mixeurs ne sont pas tout à fait les mêmes que celles des monteurs, ce qui rend la négociation délicate. Mais il existe un dénominateur commun. Contrairement aux professionnels du tournage, qui constituent un collectif sur un plateau et peuvent installer un rapport de force face au producteur ou au réalisateur, les monteurs, mixeurs et bruiteurs se trouvent dans des relations plus individualisées, qui peuvent générer des inégalités.
La profession de monteur, historiquement féminine, a toujours été sous-payée. Les indemnités repas ne sont pas toujours versées, et les heures supplémentaires pas souvent – parfois même jamais – payées. En revanche, les mixeurs, issus pour la plupart des grandes écoles de cinéma (La Fémis, Louis-Lumière…), sont davantage considérés et mieux lotis financièrement, de même que les bruiteurs, perles rares puisqu’ils ne sont qu’une trentaine dans le cinéma français. Pour son travail sur un film, un mixeur peut ainsi gagner 3 000 euros par semaine, alors qu’un chef monteur est rémunéré 1 640 euros la semaine, et un monteur son 1 440 euros. Ce dernier est un peu le "parent pauvre". [...]

Clarisse Fabre, Le Monde, mardi 10 avril 2018