Oslo Digital Cinema Conference - Workshop

par Jean-Jacques Bouhon

par Jean-Jacques Bouhon La Lettre AFC n°156

[ English ] [ français ]

Vendredi 5 mai
La journée était consacrée à la préproduction et au tournage.
Après l’accueil par Andreas Fischer-Hansen, président d’Imago, John Graham, secrétaire général de l’EDCF (European Digital Cinema Forum) présentait les travaux de cette organisation, dont le but est d’harmoniser les normes du cinéma numérique et d’éviter que celles-ci ne soit édictées que par des instances plus ou moins américaines. Il s’agit également de faire entendre la voix européenne au sein de l’ITU, organisme de l’ONU, chargé de réaliser les normes internationales de diffusion numérique.
Lasse Svanberg (Swedish Film Institute) nous fit ensuite un historique du cinéma numérique rempli d’humour, mais aussi d’informations sérieuses. Je retiendrai les appellations qu’il attribue aux extrémistes défenseurs du tout-numérique ou du tout-photochimique : " The neophiles " pour les premiers et "The PCF" (Photo Chemical Fondamendalists) pour les seconds...
De mon côté, j’ai participé, ce matin-là au programme " Shooting on film or digital equipment ", modéré par Kommer Kleijn, aux côtés de deux directeurs de la photo : John Christian Rosenlund (Norvège) et Bjørn Blixt (Danemark). La partie intéressante de cette discussion fut que nos avis étaient très différents, l’un d’entre nous ayant détesté son unique expérience en HD...

Après une frugale collation, nous eûmes droit à la présentation de caméras numériques, accompagnées des traditionnels films de démonstration par des représentants de Sony (HDW 900 et nouvelle caméra, non présente), Panasonic (Varicam), Thomson Grass Valley (Viper Filmstream), Arri (Arri D20). Nous fûmes plusieurs à souligner que les films de démonstration des fabricants ont souvent l’effet inverse de leur propos de départ : ils n’incitent guère à utiliser les caméras dont ils vantent des mérites qui n’apparaissent pas dans les films. On pouvait, par exemple, noter dans le film Panasonic un bruit inquiétant dans les basses lumières et dans celui de Sony un effet de " lignes ", que j’ai rarement vu dans aucun transfert de longs métrages.

David Reisner représentait l’ASC Technology Committee et la SMPTE. Il nous a présenté des travaux faits à l’initiative de l’ASC et de DCI (Digital Cinema Initiatives). Les buts de ces travaux :
- Etablir un consensus général de l’industrie pour une qualité des copies numériques comparable aux copies de première génération 35 mm.
- Conserver, et si possible améliorer, les options créatives.
- Préserver l’héritage existant.
Des tests et des mesures sont effectués en ce qui concerne les chartes, le contraste et la sensibilité, la compression des images.
La collaboration entre l’ASC, DCI et la SMPTE a abouti à une série d’essais, intitulés " Stem " (Standard Evaluation Material), qui ont coûté 250 000 $.
Il s’agissait de tourner en 35 mm des scènes d’un mariage dans un décor de village français et de les reporter en numérique 2K et 4K. La salle dans laquelle avaient lieu les conférences, Filmen Hus (qui est la cinémathèque d’Oslo) est équipée d’un projecteur numérique Sony 4K. Malheureusement, nous n’avons pas eu droit à la version numérique des essais, mais seulement à leur projection dans leurs deux versions tirées sur 35 mm après passage par le 2K et le 4K. Si la projection Sony était sans reproches et même impressionnante (nous en eûmes la preuve plus tard), il n’en était pas de même de la projection 35 mm, tout juste honnête. Je n’ai donc pas vu grande différence entre les versions 2K et 4K... Dommage...

La fin de l’après-midi nous a permis d’entendre les réflexions de Kommer Kleijn sur les possibilités créatives de la haute définition, de découvrir un nouveau logiciel de prévisualisation " Kframe on set ", présenté par John Christian Rosenlund. Kodak était présent en la personne de Jean-Fabien Dupont, qui travaille à Chalon et nous a fait un exposé sur les différents taux de compression des caméras numériques (un cauchemar pour opérateur amoureux d’un fidèle rendu des couleurs et de la définition).
Louis-Philippe Capelle, directeur de la photo, SBC, a ensuite parlé du tournage avec la caméra Viper de Black Night, film pour lequel il a reçu une Grenouille de bronze lors du dernier Camerimage et qui fut présenté le soir même en projection numérique.
Tout au long de l’après-midi et du lendemain, les participants pouvaient examiner par petits groupes les différentes caméras présentées. Les organisateurs avaient préparé un planning qui nous était remis lors de notre arrivée afin que nous puissions nous organiser pour participer à ces démonstrations. Des images furent tournées avec l’Arri D20, qui devaient nous être présentées le lendemain, reportées sur 35 mm.
La soirée était consacrée aux projections de Black Night et de Sin City. Ce dernier film prenait tout son sens avec la magnifique projection numérique, qui mettait en valeur les partis pris d’image du metteur en scène.

Samedi 6 mai
Cette journée tournait autour de la postproduction, la projection et la diffusion numérique avec un aperçu des problèmes de conservation future des œuvres.
Keefe Boemer, producteur des effets spéciaux de Sin City, nous a décrit la postproduction de ce film d’une manière passionnante et passionnée. J’ai eu l’occasion avec Matthieu de passer la fin de la soirée en sa compagnie et j’ai été très impressionné par sa connaissance et son intérêt pour les outils et les filières de création d’un film. Il est rare de rencontrer un producteur attaché à ce genre de problèmes ; comme je lui faisais part de mon étonnement, il nous a expliqué que depuis ses premiers pas en compagnie de Roberto Rodriguez, toute l’équipe avait dû se former aux différentes techniques en raison de leur manque de moyens et participer à toutes les étapes de la création d’un film.

Peter Engleson, Nordisk Film, présentait Cinevator, qui permet de " shooter " en temps réel à partir de fichiers numériques soit sur négatif ou internégatif, soit directement sur positif, et, dans ce cas, avec la possibilité d’imprimer le son et les sous-titres. Bref, une machine d’un coût réduit, avec des possibilités très intéressantes pour les films à petit budget. Il existe deux versions du Cinevator : la première, Cinevator One, permet uniquement le transfert sur négatif ou internégatif, la seconde, Cinevator Five, ajoute la possibilité de tirage direct sur positif, avec le son et les sous-titres.
En fin d’après-midi, nous avons donc pu voir le report des images tournées la veille avec la D20, en version numérique directe, sans étalonnage, et en version 35 mm, tirée, après étalonnage rapide, sur Cinevator. Malheureusement, la projection 35 mm n’étant pas excellente se trouvait fortement handicapée face à une magnifique projection numérique. L’étalonnage effectué trop rapidement n’arrangeait pas les choses et les images issues directement de la D20 et projetées numériquement étaient bien plus flatteuses, du point de vue du contraste, de la définition et de la colorimétrie. Les promoteurs du Cinevator* en étaient bien sûr fort marris et ils ont donc proposé, par la suite, à tous les directeurs de la photo présents de leur faire une démonstration-essai lors de la préparation de leurs prochains films afin de leur prouver la qualité de cet outil. (Sur le site http://www.cinevation.net/ vous pourrez trouver des informations utiles sur le système Cinevator développé par la société Cinevation AS.)
Une information sur le " Cinéma du futur et les prochains standards " nous fut ensuite donnée par Peter Wilson, président de l’EDCF Technical module, information utilement complétée par David Reisner, qui a présenté la situation actuelle aux Etats-Unis.
Kommer Kleijn, de son côté, insistait sur l’opportunité à saisir de demander que, dans les normes internationales futures de projection numériques, soit prise en compte la possibilité de projeter à des cadences plus élevées que 24 ou 25 images par seconde.

Peter Doyle, étalonneur des films de Peter Jackson et des derniers Harry Potter, nous fit une communication sur la manière d’étalonner numériquement et de créer un " Digital Intermediate " ; son humour, sa connaissance de tous les outils de postproduction (photochimiques ou numériques) et sa compétence nous ont positivement captivés.

Le cycle de conférences s’est terminé par une communication d’Eddy Goray sur la conservation des films pour les générations futures, de laquelle il ressortait que, pour l’instant, la solution la plus fiable était... le film.

En fin de journée, deux projections numériques. J’ai assisté seulement à la seconde The Cock and Bull Story de Michael Winterbottom, dont j’ai seulement apprécié la qualité de la projection, trouvant le film un peu " vain "... Mais ce n’est qu’une opinion personnelle.

Le dimanche matin, les directeurs de la photo présents étaient conviés à une balade en bateau dans la baie d’Oslo, agrémentée par un lunch et d’intéressantes discussions entre collègues.

Pour conclure, je soulignerai à nouveau la qualité de ce cycle de conférences, qui avaient pour principal intérêt de permettre aux directeurs de la photo de s’informer de manière assez pointue et d’échanger leurs expériences. Je souhaite vivement que cette manifestation devienne un rendez-vous annuel et permette ainsi aux membres d’Imago de se rencontrer sur des sujets qui les préoccupent quasiment quotidiennement.