Panavision invite cinq talents

Par François Reumont pour l’AFC

La Lettre AFC n°248

Panavision a choisi cette année de donner la parole à des chefs opérateurs émergents, plutôt qu’à des maîtres de l’image pour faire partager leur expérience, leurs difficultés et leurs questions face au métier. Une table ronde curieusement baptisée " Anamorphique : tradition et innovation " et dont le contenu a été prétexte à l’exploration de l’univers visuel de cinq directeurs de la photographie internationaux.

Honneur aux dames, c’est Monika Lenczewska, directrice de la photo polonaise, qui est venue parler de Difret, une de ses dernières expériences de tournage de long métrage en Ethiopie. « Un film tourné en 35 mm 2 perfs, optiques Panavision Primo, pour lequel le réalisateur m’a tout de suite parlé de Sven Nykvist en termes de référence image. C’était un peu inattendu pour un film qui risquait d’être tourné avec le soleil très dur et très tranché qu’on connaît sous ces latitudes ! » Face à cette situation, cette dernière a insisté sur l’importance du tournage en pellicule pour arriver à ses fins. (Voir le site Internet de Monika Lenczewska)

Autre directrice de la photo d’origine polonaise présente à cette table ronde, la vétérante Magdalena Gorka, PSC, qui partage sa carrière entre publicité automobile et long métrage aux USA et en Europe (avec déjà seize films à son actif). Son dernier projet de fiction, intitulé Jack Strong, est un thriller d’espionnage polonais sur fond de guerre froide. Tourné en pellicule avec du matériel Panavision, preuve une nouvelle fois que le film et bien vivant. (Voir le site Internet de Magdalena Gorka)

Autre profil, cette fois-ci un peu plus proche de ce qu’on peut qualifier " d’émergent ", Chayse Irvin, trentenaire canadien, qui a connu la consécration l’année dernière au festival avec Medeas, une sorte de poème visuel signé Andrea Pallaoro. Une attirance pour le cinéma, qui l’a amené à faire une multitude de petits boulots avant d’atteindre l’image, avec le montage comme autre passion. C’est autour d’un clip tourné avec les objectifs anamorphiques Panavision série G que Chayse a pu faire découvrir une des facettes de son talent à l’assistance. Des images exploitant avec beaucoup de sensibilité les très beaux arrière-plans nocturnes urbains rendus par ces optiques. (Voir le cip)

PJ Dillon, ISC, chef opérateur irlandais, a un parcours différent de ses collègues présents, puisqu’il travaille essentiellement sur des séries TV, que ce soit Viking ou Ripper Street. Pour lui, une de ces signatures visuelles repose beaucoup sur le travail de l’optique, et sur le fait de casser parfois la perfection des objectifs modernes en utilisant des filtres incrustés d’éclat de verre ou parfois même de brisure pour diffracter l’image. Pour cela, il n’a pas hésité à se faire fabriquer toute une série de filtres sur mesure qu’il glisse çà et là en fonction du cadre pour rajouter une sorte de distorsion au sein de l’image.
« L’essentiel de la série Viking est tournée en Arri Alexa, avec des Primos, légèrement diffusés en Promist, et en n’utilisant que quelques sources assez imposantes, placées loin, souvent à l’extérieur des décors, et qui se réfléchissent simplement à l’intérieur. » PJ cite comme influence majeure le travail de Vilmos Szigmond sur La Porte du paradis, de Michael Cimino. (Voir le site Internet de PJ Dillon)

Enfin, David Procter est un autre jeune chef opérateur britannique, habitué du Festival de Venise où ses deux premiers longs métrages ont reçu un accueil chaleureux. Partageant également sa carrière entre publicité et fiction, il n’hésite pas à recommander aux aspirants chefs opérateurs de faire des choix même assez tôt dans leur carrière.
« Accepter à tout prix quelque projet que ce soit peut se défendre tant qu’on est assistant, mais à partir du moment où l’on devient directeur de la photo, il faut savoir choisir les siens, c’est très important pour la suite de sa carrière. » Pour nous faire découvrir un des aspects de son travail en publicité, David a choisi de s’appuyer sur un spot " alimentaire " à la gloire de la crème de liqueur au goût très… britannique : le Baileys.

Bien que le résultat semble avoir fait appel à des images de synthèse, en fait il n’en est rien. Et le spot est entièrement réalisé à partir de " compositing " d’images réelles. Un tour de force réalisé à partir d’une prise de vues très grande vitesse en Phantom, avec optiques Panavision Primo et dolly automotrice friction, une des seules capables d’atteindre la vitesse record de 6 m/s sur rails circulaires !
Pour éclairer le tout, une batterie de 20 kW tungstène pour atteindre un diaph décent autour de la bouteille et de sa précieuse liqueur, et de la comédienne qui s’en échappe en tournoyant dans une sorte de tourbillon de voile et de crème... (Voir le spot)

En conclusion de cette session modérée par BenjaminB, membre consultant de l’AFC, Steven Poster, ASC, président de l’International Cinematographers Guild, a rappelé l’engagement de son syndicat auprès de Camerimage en faveur de la promotion des talents de demain. Notamment à travers la compétition d’une dizaine de courts métrages pour laquelle Panavision USA propose chaque année une dotation en matériel pour le gagnant.

(En vignette de cet article, photo R Chevrin)