Retour sur la Master Class de Bertrand Tavernier à l’ENS Louis-Lumière

Par Gérard Kremer pour Mediakwest

La Lettre AFC n°293

En mars dernier, l’École nationale supérieure Louis-Lumière organisait une rencontre entre les étudiants et Bertrand Tavernier. Interrogé par le critique de cinéma Michel Ciment, le réalisateur a évoqué son amour du cinéma, ses films, sa façon de tourner et ses collaborateurs, dont le directeur de la photographie Pierre-William Glenn, AFC. Extraits de cette Master Class d’exception retranscrite par Gérard Kremer pour Mediakwest.

Pierre-William Glenn, mon formidable soutien
Ce que je dois à Pierre-William Glenn est énorme ! Au-delà de me soutenir dans le choix des cadres, des plans, des idées, des images, il m’a donné confiance. Je vais juste raconter un détail. Mon premier assistant était assez bourru, assez radical et j’ai eu du mal avec lui sur L’Horloger de Saint-Paul ; il était assez cassant. Moi, je prenais des décisions très rapides.

« Il y avait une scène dans le parc entre Rochefort et Noiret qui s’est passée d’une façon tellement miraculeuse que j’ai dit : « Coupez ! On la tire, c’est celle-là et on n’en fait pas une deuxième. » Et il me dit : « Tu vas découper maintenant », et je dis : « Non. » J’entends mon assistant qui me dit : « C’est ton film » d’un ton catastrophé, et là, c’est dur pour un metteur en scène. C’est votre premier film, vous êtes en train de douter là-dessus et là Glenn s’approche et me dit : « C’est toi qui as raison, ne lâche pas. »

« Il y avait une scène où je n’avais pas ce que je voulais et en même temps j’avais peur de dépasser le temps imparti. J’ai dit : « On arrête ! » Glenn vient et me dit : « On n’a pas encore trouvé un système pour mettre dans un film un sous-titre, cette scène n’est pas totalement réussie parce qu’on n’a pas eu assez de temps pour la tourner. Donc si tu veux qu’elle soit réussie, assure-toi qu’elle le soit et on oublie pour le dépassement. »

« Il était tout le temps comme cela. J’étais catastrophé par les premiers rushes. Il m’a dit : « Il y a deux choses dont il faut se méfier au cinéma, c’est l’enthousiasme aux rushes et la dépression après les rushes. Ce sont les deux choses qu’il faut mettre en doute ! Il ne faut jamais d’enthousiasme et ne jamais être déprimé. Attends que les plans se montent les uns avec les autres, attends de voir comment ils marchent et tu verras ! »

« Il avait entièrement raison car les scènes, une fois montées après deux jours de tournage, marchent impeccablement une fois qu’on les a mixées. Il faut avoir des gens qui soient mieux que des techniciens, qui soient des gens qui vous appuient, qui vous aident !

 « Sur La Mort en direct, dans une bagarre qui opposait Romy à Harvey Keytel, il dépassait largement son rôle de chef op’. Il s’occupait de Romy, il a pu organiser une rencontre avec Harvey et Romy pour qu’ils puissent s’arranger. Et cela n’a pas de prix d’avoir des gens comme ça, des gens qui vont épauler votre passion !

En vignette de cet article, Bertrand Tavernier et Michel Ciment - Photo Serena Porcher-Carli (ENSLL, Photographie 2017)