Retour sur la formation des métiers de l’image

par Jean-Noël Ferragut

par Jean-Noël Ferragut La Lettre AFC n°148

Ironie dont le sort a parfois le secret, à l’heure où vous preniez connaissance dans la dernière Lettre du bilan d’un peu moins d’une année passée à la direction du département Image de La fémis établi par Pierre-William Glenn et Jean-Jacques Bouhon et à la veille de présenter notre Charte de l’Image, nous était adressé un document émanant des étudiants sortis en juin de l’ENS Louis-Lumière et dressant un constat pour le moins contrasté de trois années passées en son sein.

Même si nous avons connu de tout temps, au sortir de " Vaugirard " ou de l’IDHEC pour les plus anciens, de Louis-Lumière ou de La fémis pour les autres, des sentiments partagés quant à ce que nous considérions comme des manques ou des frustrations concernant l’enseignement qui nous était prodigué, il ne faut pas négliger les « observations et propositions » que ces étudiants ont « couché par écrit » à l’attention des « institutions concernées par l’évolution de la pédagogie » de l’école.

Plusieurs d’entre nous ont trouvé « courageuse » l’initiative prise par ce collectif estudiantin.

Que nous disent-ils au juste ?
Que, pour commencer, ils apprécient les opportunités que leur offre l’école :
- tournages en tout genre, fictions en 16 et en 35 mm, TP, documentaires, parties pratiques du mémoire et du diplôme
- activités " hors cursus " et tournages extérieurs
- accès au matériel
- un cadre de postproduction digne de ce nom
- des stages chez les loueurs et dans les laboratoires
- la mise en place de parrainages d’étudiants grâce à l’association des anciens
- « quelques » occasions de rencontrer des professionnels
- la « réputation mythique » de l’école et sa « vocation démocratique »
- certains cours théoriques « pointus » et passionnants
- des voyages « forgeant l’esprit de promotion »
Mais en même temps ils mettent l’accent sur un certain nombre de « verrous » qu’ils trouveraient bon, à tort ou à raison, de voir « sauter » :
- l’engagement de l’école dans ce qu’ils pensent être « une dérive universitaire » leur cachant la réalité de ce qui les attend à la sortie (« galères, chômage, RMI... »)
- un manque de stages « d’envergure »
- le principe des notations trop systématique
- le repli de l’école sur elle-même
- des emplois du temps communiqués au jour le jour instaurant, selon eux, un climat « d’insécurité »
- des cours dont l’étalement, tout au long de la scolarité, leur semble irrégulier
- des cours théoriques qui leur paraissent « d’un faible rendement »
- une direction des études qui, étant donnée la charge de travail due aux trois sections de l’école, devrait être scindée
- une pratique de l’image, pas assez importante à leurs yeux, dont ils jugent nécessaire de revoir les priorités (le sujet est trop vaste pour résumer en quelques mots les points essentiels)
- un manque de partenariats durables avec des sociétés de matériel vidéo numérique haut de gamme
- des travaux, et des films, dont la postproduction ne va pas jusqu’au bout de la chaîne (ou dont le suivi connaît quelques lacunes par manque d’équipement)
- un regret appuyé que la pédagogie pâtisse d’un manque apparent de moyens financiers alors que des dépenses sont effectuées pour des publications ou des séminaires « donnant une bien drôle image de leur école » à l’extérieur
- un manque avoué de motivation de leur part, se posant la question de savoir quel métier au juste ils sont en train d’apprendre...

La conclusion qu’ils apportent semble sans appel : « Il faut retrouver la vocation de l’école, être fidèle à l’image que l’on en a de l’extérieur, et promouvoir une pédagogie plus ciblée sur l’apprentissage des métiers de l’image. Alors seulement la motivation générale reprendra. »

Ce ne sont pas ceux d’entre nous pour qui la transmission du savoir est l’une des préoccupations qui les contrediront. Ces métiers de l’image, aujourd’hui en pleine évolution, notre Charte vient à point nommé en redéfinir la place dans l’œuvre de création. Une place d’un autre genre nous est réservée au sein du CA de l’école, occupée tant bien que mal, étant donné nos vies d’éternels nomades. Il nous faudrait aussi retrouver un siège au CPTA (conseil pédagogique et technique d’appui).

Une des prochaines activités de l’AFC devra, dès que possible, se pencher sur la question. A commencer, bien entendu, par écouter le point de vue des parties concernées. Des énergies se sont manifestées, d’autres sont souhaitées.
D’ores et déjà, que les étudiants en cours de scolarité, la direction de l’école et les enseignants sachent que la formation aux métiers de l’image, loin de nous laisser indifférents, nous tient particulièrement à cœur et que nous ferons tout notre possible pour être présents là où l’on nous attend.