Scepticisme de l’industrie du cinéma face au projet de studios de cinéma à Toulouse soutenu par l’Etat

La Lettre AFC n°220

TV5 Monde et AFP – Toulouse, 13 avril 2012
Le projet de création d’un énorme complexe de studios de cinéma du groupe Raleigh sur une ex-base militaire près de Toulouse, conforté jeudi par l’Etat lors d’une réunion interministérielle, suscite la perplexité voire un scepticisme total dans l’industrie française du cinéma.

Ni l’association des producteurs de cinéma (APC), ni la fédération des industries techniques du cinéma (Ficam), qui regroupe les métiers techniques (image, son, montage, effets spéciaux), n’ont été « mis dans le coup du dossier », selon leurs responsables.
« J’ai découvert le projet il y a peu de temps, il y a une grande difficulté à apprécier sa pertinence », déclare prudemment Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC dont les membres pourraient devenir les clients du nouvel ensemble proposé par l’architecte toulousain Bruno Granja en partenariat avec le groupe américain Raleigh. La surface de 25 hectares citée par l’Etat pour le nouvel Hollywood-sur-Garonne, les 5 000 emplois en trois ans annoncés par M. Granja, le chiffre évoqué dans la presse de 16 plateaux de tournages lui semblent « phénoménaux », alors « qu’il existe déjà un très très gros projet de Cité du cinéma » cette année en région parisienne par Luc Besson.

Plus offensif, le président de la Ficam, Thierry de Segonzac, parle « d’aberration », de « non-sens », et tire à boulets rouges sur la faisabilité d’un projet dont le préfet de région Midi-Pyrénées saluait jeudi la « crédibilité confirmée ». Selon lui, « les studios français sont déjà en surcapacité bien que nous soyons numéro un en Europe avec 270 films par an ».
Pour M. de Segonzac, le cinéma français a délocalisé l’an dernier 35 % de sa production (67 % au 1er trimestre 2012 selon la Ficam) à la fois pour des raisons de coût de la main d’œuvre et pour des raisons fiscales. L’objectif de création d’emplois est selon lui « sans rapport avec la réalité », rapporté à l’ensemble des 180 entreprises de la Ficam qui totalisent 10 000 emplois permanents et 20 000 intermittents.
Ce Cassandre impitoyable estime qu’il y a « une chance sur cent » pour que Raleigh « donne suite à ce projet irréaliste qu’on nous annonce à près de 100 millions d’euros ». Il se dit étonné que l’Etat se mobilise si vite « pour un projet improbable » alors que la profession « tire la sonnette d’alarme depuis trois mois auprès du ministère de la Culture pour trouver les solutions de consolidation de la filière, en violente mutation technologique ».

Le président des studios Raleigh, grand nom américain de l’industrie du cinéma, avait présenté, mardi 31 janvier, à l’Etat français son projet d’implantation dans l’agglomération de Toulouse et attend à présent une réponse très rapide, a déclaré à l’AFP l’un de ses mandataires français. Le préfet de la Haute-Garonne, Henri-Michel Comet, devait réunir, le 7 février, un comité de pilotage à propos de l’avenir du site sur lequel les studios Raleigh ont jeté leur dévolu : l’ancienne base militaire 101 de Francazal. Désaffectée depuis 2010, elle est la propriété de l’Etat, qui en conduit la reconversion. L’idée initiale était d’en faire un aérodrome d’affaires et d’y implanter des activités de soutien à l’aéronautique comme la peinture ou la maintenance.