Tournage de "Mission Cléopâtre", photographié par Laurent Dailland

Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre

par Laurent Dailland La Lettre AFC n°107

On voulait tourner de 6 heures du mat à 10 heures et de 14 à 18, par exemple. Cela n’a pu être tenu qu’une journée ! Il fallaitdonc être efficace pendant les mauvaises lumières.

Avec le chef électro, Pascal Pajaud, nous avons construit une tente totale, que nous avons appelée " Sunbox ",. qui mesurait 6 mètres de côté et 4 mètres de haut ; les 5 faces étaient amovibles avec toutes les qualités de toiles possibles, du borniol au tulle, montables en 15 minutes. On pouvait donc assurer des gros plans et même des plans tailles.J’ai d’abord tenté d’éclairer avec des dino lights, mais après avoir fait " fondre " la perruque d’Edouard Baer..., j’ai utilisé des 18 kW HMI. Ce système, m’a permis de ne pas avoir trop de problèmes de raccords de lumière tant qu’il n’y avait pas trop de vent... Quand le temps est mitigé (vent de sable, ciel légèrement voilé), on peut, par l’étalonnage numérique, redonner une certaine brillance à l’image proche de la luminosité solaire, mais si le nuage est trop gros ou de sable trop fort, il n’y a pas grand chose à faire. J’ai même été obligé d’interrompre le tournage alors que nous tournions des scènes avec 2000 figurants.

Les intérieurs du palais de Cléopâtre ont été faits en studio, à Epinay. Le travail de déco de At Hoang y est remarquable : il a réussi à obtenir une cohésion entre l’historique et le délire. Les proportions, les techniques architecturales fonctionnaient. Un égyptologue y aurait retrouvé ses petits. Notre premier travail sur le film avait été un voyage en Egypte, Alain, At et moi pour nous imprégner du pays de la Reine des Reines. Pour l’anecdote, on peut trouver dans le décor des inscriptions en hiéroglyphes qui signifient : « Celui qui est capable de lire ça est forcément un égyptologue ! ».

Les trois semaines de prelight se sont faites pendant que nous tournions au Maroc. J’ai juste fait un aller-retour pour le mettre au point et j’ai dû finir les réglages en deux jours. Le plan de travail était tel (il fallait tenir compte des dates de fin de contrat des acteurs, c’était la fin du tournage), que je devais pouvoir passer du jour au soir, de la nuit au petit matin en très peu de temps, toute la lumière était donc sur jeu d’orgue avec des " kilomètres " de câbles... ! J’étais obligé d’avoir tout les effets prêts ! Certains auraient pu dire en passant sur le plateau : « Il est fou ce Dailland ! »
Il y avait, dans le décor du palais, une grande ouverture qui était censée donner sur les jardins. J’y avais mis pour la direction principale de lumière du jour, un wendy-light de 245 kW, à travers une toile selon les effets souhaités. Mais je manquais de recul et cette énorme source n’était qu’à 7 mètres du décor qu’il a donc fallu ignifuger !
En revanche pour les séquences à l’intérieur de la pyramide, je n’ai utilisé que la lumière des torches fournies par « les Versaillais » et après 5 mois de tournage, mon équipe électrique a pu prendre un peu de repos en regardant Depardieu, Clavier et Rich éclairer les plans...

Depuis 15 ans, je travaille avec la même équipe, Pascal Pajaud (chef-électro), Gil Fontbonne (chef-machino). Ils sont venus au Maroc, plus un électro et un machino. Le reste de l’équipe était marocain. A la caméra, j’ai découvert Yves Agostini, avec qui je n’avais jamais travaillé. Son intelligence du cadre, son humanité ne l’empêchaient pas, de temps en temps, de resserrer les boulons et d’annoncer : « Allez ! Maintenant, on fait une petite mise en place à l’ancienne ! ». Le cadreur de la deuxième caméra et steadicamer, c’était Pierre Morel ; le directeur photo de la deuxième équipe, Dominique Bouilleret que je connais depuis les bancs de l’école Louis Lumière.

(Propos recueillis par Isabelle Scala)