Travail intermittent

par Antoine Reverchon

La Lettre AFC n°151

Les deux événements ne semblent pas pouvoir être rapprochés, tant ils touchent des populations apparemment si différentes par leur nombre comme par leur nature. Pourtant, le travail des chercheurs du laboratoire Matisse (Paris-I/CNRS) auprès des intermittents du spectacle pour mieux cerner la réalité de leur travail invite à s’interroger sur le modèle que les partenaires sociaux viennent, une fois encore, de " sauver du naufrage ". Pour l’instant.
Les économistes et sociologues du Matisse constatent ainsi que « l’intermittence invite à sortir de la vision binaire qui oppose au temps de l’emploi un temps du non emploi comme temps chômé », pour s’attacher à la description des temps de l’intermittence, consacrés à la formation de soi et des autres, à la gestion de nouveaux projets, à l’expérimentation et la recherche, à des activités bénévoles, à la reproduction non seulement de la force de travail, mais aussi des rapports sociaux et de la créativité intellectuelle, et enfin... à la recherche d’un nouvel emploi. Une description qui conviendrait aux parcours professionnels de travailleurs, pas seulement intellectuels, de plus en plus nombreux à connaître de telles discontinuités.

« Les causes du déficit [du régime], poursuivent les auteurs, doivent être recherchées du côté des transformations du travail qui rendent la cotisation assise sur le volume horaire d’emploi structurellement insuffisant pour couvrir des besoins très différents de ceux pour lesquels a été inventée cette cotisation. (...) Dans un contexte où la discontinuité de l’emploi, loin de constituer un « accident de parcours, est un élément consubstantiel de l’activité, il ne s’agit pas de couvrir le risque chômage par la garantie d’un revenu, mais de garantir les ressources nécessaires pour que les différentes temporalités ne soient pas menacées par la précarisation des conditions de vie. Garantir les ressources pour garantir l’activité future, c’est le sens d’un déplacement conceptuel de la notion de charge à celle d’investissement collectif. » Etendre ce constat et en tirer les conclusions exigera plus qu’une nuit blanche autour de tableaux de chiffres.

(Antoine Reverchon, Le Monde, 10 janvier 2006)