Un bilan du festival de Cannes et de l’espace commun AFC-CST ou la critique est aisée et l’art est difficile…

par Pierre-William Glenn, membre fondateur de l’AFC, président de la CST
Le 60e anniversaire du Festival de Cannes a vu une grande première : la naissance d’un espace partagé entre l’AFC et la CST à Pantiero, pendant toute la durée du Festival. Fruit de longues années d’opiniâtreté pour amener, recevoir et honorer des Chefs Opérateurs de cinéma au milieu d’autres techniciens et des partenaires de la CST.

Le stand de 100 m2 avec un " jardin " de 75 m2 était ouvert de 9h30 à 17h30 avec un bar permanent en pleine effervescence au milieu des apéritifs officiels offerts par les partenaires de la CST.
Malgré la présence de 2 professionnels aussi doués que qualifiés en les personnes de Michel et d’Isabelle pour le service du bar permanent, des petits déjeuners et des apéritifs officiels, il y a encore quelques pique-assiettes, est-ce la rançon du succès ? qui seront peut-être écartés par l’existence d’un badge officiel l’année prochaine.

La tentative d’écarter un chef opérateur du Jury de la Caméra d’Or a échoué pour le 60e et Renato Berta faisait belle figure sur les marches après la vision des films d’une sélection pléthorique. Il est toujours agréable d’être honoré au Festival de Cannes, dans sa fonction, en smoking, et représenté même si on est invité, aussi, avec des paillettes et du champagne…
La représentation de l’AFC a été aussi fournie que d’habitude avec les présences de Willy Kurant, Pierre Lhomme, Philippe Van Leeuw, Yorgos Arvanitis, Dominique Bouilleret, Antoine Héberlé, Rémy Chevrin, Jean-Jacques Bouhon, Jean-Noël Ferragut, Denis Rouden, Gilles Porte, Laurent Brunet, Claude Garnier, Wilfrid Sempé, Laurent Chalet… Nous avons eu les visites de nombreux réalisateurs : entre autres Andrei Kontchalovsky, Jeanne Labrune, Souleymane Cissé, François Margolin, Jean-Claude Missiaen…, de producteurs, de responsables d’associations représentatives et respectées comme l’ARP ou la FICAM (Michel Gomez et Thierry de Segonzac).

Le Jury de la CST s’enorgueillissait de la présidence de Tom Stern, ASC (qui est actuellement directeur de la photographie sur le film de Christophe Baratier, avant le prochain Clint Eastwood – rappelons que Tom Stern était le premier Prix Vulcain, avec Mystic River – excellent jury (Alain Coiffier, Panavision Alga Techno, Didier Diaz, Transpalux – Monique Koudrine, Kodak – Pierre Lavoix, CST ex TF1 – Yoann de Montgrand, élève image de La fémis en 4e année) qui a récompensé Janusz Kaminski pour son travail sur Le Scaphandre et le papillon.
La visibilité du tandem Réalisateur-Directeur de la Photographie a été excellente cette année. Au point d’être mise à l’index par certains journaux, qui parlent d’un festival de chefs opérateurs, formalisme démarquant et « trop grande qualité de l’image » de certaines œuvres. Ce qui pourrait sembler un comble de cuistrerie est aussi une forme d’hommage à Darius Khondji, Janusz Kaminski, Yorgos Arvanitis, Laurent Brunet, Gérard de Battista, François Catonné, Caroline Champetier, Antoine Héberlé ou Rémy Chevrin.

Comme je vous le disais en préambule, la critique est aisée mais l’art (de l’artiste technicien) est difficile. Et ingrat… car il y a des bémols.
- Signalons qu’il y a toujours des places pour les séances de 8h30, pour l’AFC comme pour la CST. La montée des marches – où nous n’avons que 20 places à 19h30, 38 le matin et 28 pour 22h30 – n’est pas obligatoire et nous n’avons que 6 places pour la clôture. Il n’y a pas de passe-droit et Doris et Annabelle essaient de satisfaire tout le monde équitablement, tâche impossible pour la clôture.

- L’installation et le démontage d’un stand commun ne devraient pas être le seul fait de la CST.
La présence de l’AFC devrait être plus soulignée par des panneaux et des tableaux et la présentation des Directeurs Photo. Les ordinateurs Apple ont donné toute satisfaction.
Tout reste à faire quant à une communication honnête sur notre métier, sur notre créativité et notre importance : Le Film Français n’a même pas communiqué le palmarès au complet ni signalé l’existence du prix Vulcain. On pourrait penser que ces oublis tiennent à une rancune personnalisée quant à mes propos sur une presse " aux ordres " des grands groupes et de ses annonceurs au détriments des techniciens et des créateurs mais… Même Rémy Chevrin qui ne subit pas d’ostracisme de la part des rédacteurs du Film Français m’a dit ne pas avoir reconnu la matière de ses propos dans l’interview sur son film en sélection qui lui était consacré dans la revue en question…

Le Festival de Cannes est la vitrine de la CST. Il pourrait devenir celle de l’AFC, qui bénéficiera de notre soutien systématique si l’implication de ses membres " s’étalonne " sur celle de Jean-Noël Ferragut, omniprésent, aussi efficace que discret, premier arrivé, dernier parti… présent au montage et au démontage du stand. Sur la durée, les membres de l’AFC ont pu bénéficier de 90 invitations aux projections du Festival.
Gageons que leur participation au prochain sera encore plus consistante et conviviale. Répétons encore une fois que les conseilleurs ne sont pas les prêteurs, que l’AFC n’a pu être présente à Cannes que grâce à un effort financier consistant de la CST et que toutes les participations actives, de quelque nature, de quelque niveau que ce soit, sont les bienvenues.

Le compte-rendu du dernier CA est édifiant à ce sujet, les propos aussi irréalistes qu’irresponsables sont légion. J’espère seulement que « l’innocence » systématique, les « y’a qu’à » et les « t’as qu’à » ne vont pas devenir la règle avec l’éloignement de Jean-Jacques Bouhon. L’ingratitude, la prétention (dont, rappelons-le, le produit avec le savoir fait une constante : P x S = Constante…), l’égoïsme et l’individualisme forcené (chacun pour soi et moi d’abord…) ne devraient pas avoir cours dans une association comme la nôtre et je déplore personnellement trop de ces manifestations au quotidien dans l’AFC pour ne pas être très inquiet si une solidarité fondamentale ne se rétablit pas entre nous.
Si nous sommes " rivaux " sur le terrain de la production cinématographique, certains ont intérêt à attiser cette rivalité et... l’AFC a justement été fondée contre cet isolement, pour nous permettre de communiquer entre nous d’abord, pour établir des liens quant à nos conditions de travail, nos salaires, pour nous soutenir et nous informer collectivement. Si l’on oublie ces principes de base, à quoi sert l’association ?
Quel est l’intérêt de payer une cotisation relativement élevée pour ne participer à aucune des activités ? Peut-on penser exclusivement à ce que l’AFC doit faire pour vous et oublier systématiquement ce que l’on peut faire pour elle ? En se reposant sur l’activité bénévole de quelques uns d’entre nous, qui commencent à se lasser, et dont la défection risque d’être mortifère à la vie associative, à la Lettre, au site et au Micro Salon. Car le danger est sans doute là : Adhérer à l’AFC pour faire salon et… uniquement salon. Sans jeu de mot.

La note d’espoir tient au fait que Jean-Noël Ferragut est toujours là, qu’il faut prier qu’il reste (même les athées), que la proximité de La fémis permet de renforcer quelques relations amicales entre nous et que le niveau atteint par les élèves image, traduit par d’exceptionnels travaux de fin d’études cette année, doit beaucoup à l’implication et à la disponibilité des Directeurs de la Photographie de l’AFC pour l’école. Implication qui, dans la diversité des personnalités et des approches de la pratique cinématographique, est aussi bénéfique pour la profession que pour les élèves.
En formant les étudiants aux métier(s) de " Cinématographeur " à la direction du département image avec Jean-Jacques, nous essayons de lier transmission du savoir, expérimentation, connaissance scientifique, culture, convivialité et solidarité. Ce qui est en train de prendre forme dans le cadre de l’école au vu des résultats et des qualités humaines et professionnelles des élèves image de la 18e promotion n’a aucune raison de ne pas avoir d’écho dans l’AFC. L’arrivée de Francine Lévy à la tête de l’école Louis Lumière va sûrement permettre des collaborations constructives qui devraient tendre à une convergence d’intérêts de La fémis, de l’ENSLL, de l’AFC et de la CST pour les métiers de l’image de film.

Cette note finale, désespérément optimiste, voudrait que tout aille pour le mieux dans un futur meilleur des mondes à l’AFC ; un monde solidaire et convivial où l’implication des adhérents, de quelque manière que ce soit, reste le Credo . C’était en tous cas le mien quand j’ai œuvré à la fondation de cette association dont le devenir n’arrive pas à me rendre indifférent et qui me semble de plus en plus menacée par l’environnement, en expansion, " des eaux froides du calcul égoïste ". Dans lesquelles, de toutes manières, une association ne survit pas bien longtemps…