Un été brûlant

Juin 2010, le téléphone sonne… une voix inconnue se présente : c’est Philippe Garrel… « Je vous propose de tourner mon prochain film ! »
Rendez-vous est pris près de chez moi dans une brasserie… Garrel explique alors la façon dont il veut tourner ce film : style et moyens de la Nouvelle vague des années 1960… et me donne comme exemple deux plans : un plan de Marie-France Pisier (Trans Europe Express) et Jean-Pierre Léaud… dans Masculin féminin.

Ce sont des films en noir et blanc… dans lesquels j’ai éliminé le gris pour ne garder que les noirs et les blancs.
Le film s’appellera Un été brûlant et se tournera à Paris et à Rome en juillet et août.
En couleurs et vrai Scope… et le style et la couleur de l’image devraient paraître comme des aquarelles en couleurs primaires.
Le défi semble assez costaud… avec une équipe Nouvelle vague… qui aurait en moyenne plus de 60 ans… maintenant !
La raison : pas de débutants, il ne fait qu’une prise… il faut des techniciens sûrs.
Le cadreur est déjà " booké "… – le film devait se faire l’année précédente – et il est très sûr et adroit : Jean-Paul Meurisse… Cela me convient, j’avais tourné Flagrant désir de Faraldo avec lui en… 1985.

Philippe Garrel, viseur à la main, Jean-Paul Toraille, 1<sup class="typo_exposants">er</sup> assistant opérateur, et Willy Kurant - Sur le tournage d'<i>Un été brûlant</i> - Collection Willy Kurant
Philippe Garrel, viseur à la main, Jean-Paul Toraille, 1er assistant opérateur, et Willy Kurant
Sur le tournage d’Un été brûlant - Collection Willy Kurant


Je reçois le scénario… et j’ai dix jours pour dire si j’accepte le film…
Il faut composer une équipe… et mes ex-assistants… ne sont pas libres.
Donc j’hérite du pointeur du dernier film de Garrel et William Lubchansky : Jean-Paul Toraille.
Et puis viennent se joindre à nous : Jean-Claude Lebras et Marc Nové… avec qui j’avais déjà travaillé (Sous le soleil de Satan)… Le directeur de production est très coopératif : Serge Catoire… me propose un deal honorable… en ces années du n’importe quoi.
J’accepte : les acteurs principaux sont Monica Bellucci, Louis Garrel, Jérôme Robart, Céline Salette.

Choisir une pellicule devant satisfaire l’ambition plastique de Philippe Garrel : une image chaude, une sorte d’aquarelle avec direction de lumière.
J’évoque Sous le soleil de Satan, les lumières qui venaient des fenêtres. Mais il me dit qu’il n’avait pas aimé le ton bleuté de l’image. Je suis un homme du Nord… la lumière du Nord à cette époque de l’année est bleutée.
Mais à Rome en été, je n’utiliserai pas le même procédé. Je choisis la Kodak 5219 en développement normal et en surdéveloppement 1 stop pour les extérieurs et les intérieurs " low keys " et la Kodak 5213 pour les extérieurs jour en Italie.

Quelques essais chez Panavision…
Panaflex Gold, objectifs Scope série C. Certains plans devront être tournés a l’épaule… avec un Easy Rig… Jean-Paul Meurisse a beaucoup souffert du poids de l’appareil (plus silencieux).
Faisons une image " organique ", tel est le choix de Garrel, et même si les projecteurs ne sont pas " organiques ", je n’ai pas compensé les extérieurs mais utilisé de grandes toiles blanches.

Pas un seul HMI (même prononcer le mot est interdit), beaucoup des dernières unités Kino Flo… Parabeams, Vistabeams, de toutes les puissances existantes. Matériel pris chez TSF.
Les projecteurs donnent une photo à la fois douce et directionnelle.
Garrel tourne toujours une journée d’essai qu’il inclut au film. Carte blance ; le décor : une petite rue de Paris, je choisis de tourner entre chien et loup, laissant l’extérieur bleuté, pas du tout apprécié aux rushes. Par contre il aime la lumière sur les visages des comédiennes.
J’ai utilisé des parapluies blancs (j’en ai une collection impressionnante de toutes tailles !) dont on peut changer la toile intérieure ou s’en servir en " shoot through ". Ce qui donne une lumière qui touche le sujet et progressivement décline.

Cela satisfait Philippe Garrel. Au final il a eu la brillance et les tons d’aquarelle qu’il souhaitait. Il s’est développé une relation de confiance. Je suis " booké " pour un autre film de Philippe Garrel qui se tournera en Italie.
Tournage à Paris : labo Arane, étalonnage : Christophe Bousquet.
A Cinecitta : labo Cinecitta, étalonnage : Elide.
Le tournage s’est très bien passé. Bien sûr nous avons eu quelques surprises dues aux méthodes de tournage. Travail au viseur, choix des prises au casque.

Excellente collaboration avec le chef décorateur, Manu de Chauvigny.
Au son, l’homme des situations difficiles, François Musy.
Deuxième fois que je travaille avec Yann Dedet (Sous le soleil de Satan), le monteur de Garrel.
Patrizia Massa, la productrice exécutive italienne, a manifesté plusieurs fois son étonnement satisfait… par la vitesse à laquelle nous tournions… avec trois électriciens (le 3e, franco-italien, était Pietro Rosso)… ET LA QUALITE PLASTIQUE DE L’IMAGE.
Il reste à voir le film, et comment il sera reçu à Venise, et ailleurs.

Équipe

Cadreur : Jean-Paul Meurisse
Premier assistant opérateur : Jean-Paul Toraille
Chef électricien : Jean-Claude Lebras
Electricien : Marc Nové

Technique

Pellicules : Kodak 5213 et 5219
Matériel caméra : Panavision Alga Techno, Panaflex Gold
Objectifs Scope série C
Matériel Lumière : TSF Lumière
Laboratoire à Paris : Arane (étalonnage, Christophe Bousquet)
Laboratoire à Rome : Cinecitta (étalonnage, Elide)