Un sucre ou deux ?

par Jean-Noël Ferragut

Ne sachant à vrai dire si l’un d’entre nous a jamais répondu à cet appel, la politesse des rois voudrait que je m’y colle, histoire de ne pas laisser le problème en suspens et risquer de voir la Lettre sommeiller à nouveau, bercés que nous sommes par son doux ronronnement.

Il m’est d’autant plus facile d’apporter une réponse que celle-ci, naturellement, coule de source, bien qu’en béton. Elle tient principalement en deux points.
Primo, cette charge, " s’occuper " de la Lettre, nous nous en acquittons, tu as raison Agnès, depuis pas mal de temps Jean-Jacques et moi, bon an mal an, aidés il est vrai en besogne d’Isabelle, après Brigitte, et Aude avant elles. Je préfère dire que nous " faisons " la Lettre, comme on fait du café, comme on fait la cuisine, la vaisselle, le ménage, médecine ou Louis-Lumière, la lumière ou le cadre, le Jacques ou son intéressant, les yeux doux, l’amour, des enfants... Des choses de la vie souvent nécessaires, mais somme toute essentielles. Autant que tout cela, la Lettre me semble vitale, elle est le cordon qui nous lie. Pas seulement, j’imagine, ces quelques feuilles de papier que l’on lit tous les mois et que l’on pose ensuite parmi d’autres sur la pile " à ranger ".

Car au fond, pourquoi attacherais-je une telle importance depuis toutes ces années à " faire " la Lettre, malgré le temps ô combien ! déraisonnable qu’il nous faut y passer et les brefs moments de découragement qui parfois en découlent ? Si ce n’est pour le plaisir de la lire, tout simplement. En regrettant parfois de ne pas lire davantage de billets ensoleillés, d’humeurs vagabondant sans frein, de réflexions mûries, de divagations enthousiastes, autant de prose comme savent si bien en écrire Diane, Charlie, Marc, Jimmy et les autres... J’en passe et des meilleurs, volontairement, de peur d’en oublier ou de lasser. Bien sûr, ceux qui parlent de notre travail sur les films éclairés par nos soins sont le fondement de notre Lettre, bien sûr, l’activité de nos membres associés, et des personnes qui les animent, nous intéresse au premier chef. Mais qui d’entre nous n’aimerait voir l’un ou l’autre y mêler plus souvent son grain de sel ? Si, pour employer cette métaphore gustative, le sel de la Lettre, justement, est un peu ces derniers temps de mon ressort, une chose est autrement certaine, qu’on le veuille ou non et on ne le répétera jamais assez, son piment, c’est à ce que nous y mettons de nous-même, vous et moi les directeurs de la photo, qu’on le doit ! Nous en sommes les principaux fils conducteurs, mais surtout l’unique source d’énergie. C’est grâce à ce ferment que notre Lettre est lue, et particulièrement appréciée, hors les murs de l’AFC.

Deuzio, et c’est plutôt là que se situe, si je puis me permettre, le nœud du problème. Imaginons qu’un jour il me prenne l’envie de " m’occuper " de la Lettre, en devenant ainsi le " spécialiste ", comme tu le dis, Agnès, cela ne risquerait-il pas, et je le crains, de servir de prétexte à bon nombre d’entre nous pour la considérer comme un dû ? Au lieu d’y apporter chacun sa modeste contribution, de donner un tantinet de sa personne, afin qu’elle prenne ainsi la consistance et le tenue qu’on attend d’elle. Inutile de rappeler qu’aujourd’hui elle doit se renouveler, se ressourcer, s’aérer, prendre des ailes, connaître d’autres horizons, mais profiter d’abord des diverses personnalités qui sont le cœur de l’AFC, elle en est riche, pour en tirer, avec une aide extérieure pourquoi pas, un bien meilleur parti.

Lors d’un récent CA où la question que tu soulevais, Agnès, était à l’ordre du jour, j’ai fait part de ces quelques réflexions. Entre deux des suggestions émises ce soir-là, je me suis permis de rappeler que nous avions proposé il y a fort longtemps, Jean-Jacques et moi, aux directeurs de la photo de l’AFC d’être, chacun leur tour, le " rédacteur en chef " de nos Lettres mensuelles. L’idée, à l’époque, n’ayant reçu aucun écho (comme c’est bizarre !), nous l’avons étouffée, à notre grand regret. L’autre soir, elle a été remise au goût du jour, mais de manière à n’engager personnellement aucun d’entre nous, une condition sine qua non apparemment. Il a été décidé de faire appel à quelques connaissances extérieures à l’AFC, suffisamment proches pour être des lecteurs réguliers de la Lettre, et de leur demander de prendre en charge la rédaction, en tout ou en partie, de numéros spéciaux, deux trois dans l’année pour tâter le terrain. Un premier rendez-vous a été pris avec Benjamin Bergery. D’autres devraient suivre...

Ah ! j’allais oublier. Pour me faire pardonner mon refus, tu t’en étais certainement doutée, Agnès, je vais " faire " du café... Combien prends-tu de sucres ? Un ou deux ?